Le 21 mars - Amritapuri - Kerala

« L'amour est le seul trésor qui nous enrichit lorsque nous le dépensons »
Jean-Yves LELOUP & Catherine BENSAÏD

Une nuit de récupération où les moustiques avaient décidé de nous laisser tranquilles !!! La veille, ils avaient réussi une opération commando et beaucoup de Caravaniers en ont encore les stigmates !!! Petit déjeuner avec possibilité d'un continental breakfast ! Décidément l'occidental revient en force ! Toasts avec beurre et confiture, omelette, jus de fruit pressé... Une opulence comme jamais depuis le début de la Caravane !

Matinée libre où certains profitent de faire quelques achats. D'autres se sont promenés en bord de mer ou vers le port de pêche pour contempler le travail difficile des pêcheurs du Kerala... Ou d'autres encore ont loué un vélo ou pris un rickshaw pour faire le tour de la ville en passant du palais à la synagogue.

Déjeuner sur le port avec poisson frais grillé et salade avec une vue sur les camelots et les habituels déchets qui font dorénavant partie de notre environnement...


Ashram d'Amma

Puis nous reprenons la route pour l'ashram d'Amma à Amrithapuri. Quatre heures trente de route pour cent vingt kilomètres ! Les routes de l'Inde, c'est à elles seules une vraie aventure !!! 


 

Nous arrivons à 18 heures au lieu des 16 heures prévues, qui était l'heure de fermeture du bureau des admissions. Grâce au bon cœur des dévots d'Amma, le bureau est réouvert spécialement pour la Caravane amoureuse afin d'effectuer toutes les démarches administratives d'enregistrement des passeports et attribuer les chambres à chacun.


Vue sur la mer depuis le toit de lAshram dAmmaDes chambres réparties dans un immeuble de dix sept étages, heureusement avec ascenseur ! De la terrasse sommitale, nous pouvons admirer une vue imprenable sur le littoral et en arrière plan sur les backwaters, des lagunes que creusent les courants et dont les sables bouchent les estuaires des fleuves et rivières. Nous dînons dans ce lieu très bien organisé avec d'un côté une cuisine typiquement indienne et de l'autre une cuisine purement occidentale. Et fait incroyable, nous disposons également d'un snack avec hamburger, frites et pizzas ! La joie des enfants et finalement de très nombreux Caravaniers ! Nous sentons de plus en plus les prémices de notre retour en Occident...


 

Le temple de l'Ashram d'AmmaNous terminons cette soirée par une réunion collective devant le temple. Tant bien que mal nous nous ajustons sur la suite du parcours et à la majorité, la Caravane choisit de quitter dès le lendemain l'ashram pour Trivandrum. C'est l'occasion aussi de dire au revoir à nos huit Caravaniers : la famille Moisdon (Katherine, Léa et Vincent), Christine, Jocelyne et sa fille Jenna, Nelly et Samia.


 

Hervé et Jospeh, membres de l'équipe de l'eau en pleine actionNous profitons également de cette « journée off », sans événement, pour rendre un hommage particulier à l'équipe de l'eau qui œuvre dans l'ombre à nous servir de l'eau potable autant dire un rôle vital pour nous tous. Merci à André, Hervé, Jacqueline, Jean-François, Joseph, Maryse et Sabine (rentrée depuis lundi en France).


Mot de Marc

L’Ashram d’Amma

« Dans mon esprit, la Caravane amoureuse se rendait chez Amma pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Cela fait des années qu’Amma la Sainte, va partout de par le monde en donnant son sourire à tous, et qu’elle étreint des millions de personnes… Il me semblait tellement juste qu’elle soit, à son tour, enlacée et ébouriffée par nos rires, nos caresses, notre joie reconnaissante…

Il faut dire que les femmes et les hommes de la Caravane amoureuse sont devenus experts en ce domaine. Depuis plusieurs semaines, à travers villes et villages, dans les Slums collés aux grandes cités et les montagnes perdues où demeurent les natifs vivants dans des huttes rappelant la préhistoire, des plus misérables aux nantis des grandes mégapoles, nous avons nous aussi, offert nos sourires, étreint et embrassé… Sans peur, nous avons osé notre démesure à travers la démesure de l’autre… Par nos élans, nous avons senti des certitudes vaciller, des consciences s’ouvrir plus encore au mystère de ce que nous sommes… Semblables à l’Albatros de Baudelaire, nous étions tous gauches et veules sur le pont non pas du navire mais celui des rues, cependant, galvanisés par notre nombre nous avons osé la foule complètement étonnée et abasourdie par notre liberté… Après plusieurs itinérances, nous ne pouvons que constater l’évidence : face aux sourires et à la joie, face à l’innocence de ceux-ci nous ramenant à quelque chose qui touche à l’enfant, l’humain est désarmé, il ne peut que lâcher armes et boucliers et s’abandonner au souffle que nous incarnons…

Nous sommes sur une petite route encadrée par un village et une végétation toujours aussi dense. Etrangement, sur ce petit chemin loin de tout, il y a du trafic et même un bouchon. Que se passe-t-il ? Nous croisons des énormes autobus qui ont du mal à passer à cause de notre convoi, les 8 minibus de la Caravane amoureuse et le pick-up piano… Ce sont les bus de l’Ashram d’Amma qui font la navette aller et retour Aéroport – Ashram… Manifestement, nous ne sommes plus très loin maintenant, c’est certain. Impressionnant en tout cas. Sans aucun doute, l’Ashram d’Amma, c’est un gros truc. Au bout d’une vingtaine de minutes et à peine deux kilomètres parcourus pendant tout ce temps, nous arrivons devant une sorte de pont pour piétons qui surplombe une lagune. De l’autre côté, nous attendent des immeubles, des grands immeubles genre banlieue nord de Paris… Nous descendons des bus et tout le groupe de la Caravane amoureuse emprunte l’escalier du pont… Avec nos bus et ceux d’Amma, l’air est saturé d’effluves de gasoil. Et dire que la veille, nous étions en pleine jungle indienne chez des aborigènes indiens que l’on appelle ici les natifs. Leur village était d’une propreté exemplaire. Sur plusieurs hectares, il y avait des champs impeccables tous clôturés… Derrière les poteaux et les fils de fer, d’énormes fossés… Intrigué par ces fossés, je demande à l’instituteur du village qui nous sert de guide la raison de toutes ces protections. « Les éléphants Sir, les éléphants. Quand les semis arrivent à terme, les éléphants sentent l’odeur de la nourriture et ils viennent tout manger en dévastant tout sur leur passage, récoltes, maisons… » Impressionnant… Cela dit, quelle sérénité dans ce village, quelle différence avec le grouillement incessant des villes avec tout leur bric-à-brac invraisemblable… Et puis l’instituteur nous a demandé de suivre des gamins… Je n’oublierai jamais ces 6 enfants qui avaient entre 4 et 8 ans, qui nous ont conduits en silence en pleine forêt vers le sanctuaire de leur tout petit village, leur haut-lieu sacré… Au bout d’une petite demi heure de marche, nous trouvions le calme, la quiétude. Enveloppée par les chants d’oiseaux inconnus, protégée du soleil par les frondaisons de cette forêt primaire, toute la Caravane amoureuse s’est posée là, dans ce temple naturel, recueillie comme jamais…

Alors que j’arpente le petit pont menant à l’Ashram d’Amma, ce lieu me manque terriblement et ma petite voix à l’intérieur  me dit : « Cet endroit, il n’est vraiment pas beau… ». S’il n’y avait pas les cocotiers autour, les bananiers, la chaleur moite, et surtout le mystère Amma… Arrivés à l’accueil, on nous donne nos chambres avec draps, taie d’oreiller et serviette. La mienne est au douzième étage, la 1208, que j’atteins avec l’ascenseur. Je me dirige vers le balcon et découvre l’immensité de l’Ashram accolé à l’immensité de la mer d’Arabie. Le vent marin apporte un peu d’air, mais entendons-nous bien, rien à voir avec l’air breton. Il fait toujours chaud, terriblement chaud. En-dessous, au rez-de-chaussée, dans la fournaise hurlent des hauts parleurs diffusant musiques et prières. De l’autre côté, presque aussi fort, au-dessus de la lagune, se font entendre les cris de milliers d’oiseaux… Ce lieu est loin d’être silencieux. Au-dessus des vagues et de l’écume, le soleil n’est plus très loin de la ligne d’horizon, le ciel est flamboyant, et en silence, la nuit se prépare.

Le règlement de l’Ashram est sévère, pas d’étreinte, une tenue interdisant aux femmes de montrer leurs épaules, suffisamment ample afin de ne pas distinguer leur féminité, pas de bisous, pas de contacts avec les villageois qui vivent à côté de l’Ashram, interdiction de manger à l’extérieur de l’Ashram… Je me rends compte à quel point je reste naïf. Comment ai-je pu penser que nous allions rendre sa monnaie à Amma ? Le piano à queue est là, garé pas très loin et parce qu’Amma est absente le concert n’est pas autorisé. Pourtant, j’ai joué déjà deux fois pour elle. Une fois à Pontoise, une autre dans son Centre à Chartres. Nous nous connaissons, nous nous apprécions et nous nous respectons profondément. La Caravane amoureuse n’est pas reçue, c’est clair. Je n'avais pas d'attente particulière, pour moi l'idée était de vivre seulement un partage de joie... Si celui-ci ne se fait pas, ce n'est pas grave, il n'y a aucune raison de rester...  Certains Caravaniers, dont moi, ont le sentiment d’être pris en cage, pas de rencontres musicales, pas de bisous, pas d’étreintes… Pour beaucoup, l’idée de rester là deux jours devient insupportable. La Caravane amoureuse n'est pas venue en Inde pour vivre ça. Des écoles, des centres pour personnes handicapées, les gens de la rue, les enfants orphelins, etc. Beaucoup attendent notre venue… Le soir même, à ma demande, une réunion se met en place. Dans un consensus quasi général, nous décidons de quitter le lendemain… Quel étrange paradoxe qui semble se répéter dans l’histoire. Jésus prônait le pardon, l’ouverture, l’amour et la chrétienté s’est enlisée dans une inquisition qui, chez certains, perdure encore. Mahomet aimait les femmes, l’Islam les voile, les entrave. Aujourd’hui, Amma donne des Darshans et là, dans son lieu, l’étreinte est interdite. Pour moi, tous les Caravaniers sont des « Amma » lorsque nous sommes en rue avec le piano. Quand tu oses l’autre en tendresse, quand tu portes l’amour sans attente, quand tu te livres jusqu’à te délivrer de toi-même, alors oui, tu es semblable à Amma, Jésus, Mahomet, Gandhi, Hildegarde Von Bingen, Etty Hillesum, Christiane Singer et tant d’autres…

Au petit matin, viennent me voir des pratiquants de l’Ashram m’ayant entendu en concert sur d’autres places. Tous regrettent que le concert ne se fasse pas. Certains me proposent de le faire quand même plus loin, à l’entrée de l’Ashram, sur le parking ou sur la plage. Des encadrantes du lieu viennent aussi, étonnées de notre départ soudain. Elles aussi regrettent cette non rencontre. J’entends quelques échos à droite à gauche, comme quoi des personnes peu recommandables auraient la main mise sur l’Ashram. Business, mafia… D’autres personnes me disent qu’Amma n’a plus envie de venir. Elle ne voulait pas d’Ashram à l’origine mais sous la pression de quelques uns, notamment des occidentaux, elle a cédé. Comment peut-on savoir si ces propos et ces rumeurs sont complètement vrais ? En tout cas, son humble petite maison en bord de mer, là où elle reçut l’éveil, est étouffée par les constructions environnantes, à savoir les bâtiments administratifs et les grands halls de gare servant de réfectoire et de lieux de prière… Quant au temple, il est écrasé par les deux immeubles de 17 étages qui se situent à 30 mètres de lui. Tout en ce lieu, pour moi, est étroit, étouffant, bruyant. En réponse à ce ressenti que je partage, certains fervents pratiquants me disent que l’espace et le silence doivent se trouver à l’intérieur de soi-même. Bien sûr, je comprends… Quel triste défi.

Le lendemain, six heures, la valise est faite, j’ai quitté la chambre 1208, je suis à nouveau au balcon. La mer d’Arabie est recouverte par une brume de chaleur épaisse. La nuit s’accroche encore à ce brouillard mais sous ces latitudes, les levers de soleil sont fulgurants. En quelques minutes, tout se dissipe et voilà le grand jour bien là, puissant, entier. Depuis plus d’une heure maintenant, dehors, hurlent les hauts parleurs. Mantras et prières s’enchainent en ne laissant aucun répit pour le dormeur qui s’attarde. De l’autre côté de mon immeuble, derrière, dans les arbres encadrant la lagune, les oiseaux s’entendent pour essayer de couvrir ce vacarme… Sur le toit de l’immeuble voisin, je vois une femme occidentale à genoux sur un tapis en train de prier. Je reste interloqué… Comment fait-elle dans tout ce tintamarre ? Sur un autre toit, à 50 mètres, je vois une indienne tout de blanc vêtue faire des allers retours incessants, telle une lionne en cage, rapide et nerveuse… Que cherche-t-elle ? Que veut-elle prouver ? L’ascenseur est là. Alors qu’il me ramène au sol, je me dis qu’il y a sûrement des personnes qui doivent trouver leur compte ici, puisque certaines restent plusieurs mois et semblent heureuses de ce choix. Chacun son chemin. Il reste encore quelques étages à franchir et me voilà reparti à songer à la rencontre de la veille. Comme nous sommes loin des natifs avec leur petit temple d’un mètre cinquante tout au plus, fait de petites pierres, d’arbres, de chants d’oiseaux et de ciels libres… ».

Le journal de bord des enfants 

Nous partons vers l'ashram d'Amma (Amritapuri), il s'agit encore d'une journée de bus.

La région est belle (cocotiers, backwaters, océan indien, …) mais l'ashram est oppressant tellement il y a de bruit et de règles de vie : interdit de parler aux villageois, interdit de montrer des signes d'affection, interdit de prendre des photos ou des vidéos, interdit de montrer les genoux, les épaules, interdit de se baigner dans la mer, les hommes et les femmes n'ont pas le droit de se baigner ensemble dans la piscine… Pour moi, comme pour d'autres personnes du groupe, c'est vraiment trop !

L'ashram peut accueillir jusqu'à 4000 personnes dans deux grands immeubles de 16 étages. Sur les terrasses (où chacun fait sécher son linge), la vue est magnifique. Partout, la vie grouille ; en bas c'est la fourmilière.

On dit que c'est un lieu de méditation et de repos, mais pour moi c'est un lieu oppressant et fatigant.

Jenna et Paul

Un petit air de printemps...  Chanson de Samuel - Caravane amoureuse INDE 2013 -

« Refrain

Méditation dans la caverne d’Ali Baba

Adaptation, rencontre, pagaille et joie

Nandri les amis, brothers and sistas, la

Caravane amoureuse envahit l’Inde et c’est comme ça !

 

Dans ton regard tant de beauté

L’extase me fait dodeliner le sourire

Conscience et fraternité j’veux accueillir

Shanti ! Vous êtes gentils et merveilleux

Tels des papayes et des pastèques

Allez écarquillons les yeux !

 

Jubilation et harmonie ce n’est qu’un jeu

Hésitation car ici il y a tant de « je »

Mais les questionnements peu à peu offrent

L’évidence de la différence de ceux qui dansent et

Alors Patience... Patience... Car on ne vit jamais que la...

 

Refrain

 

Humain je t’aime, tu es un tel cadeau

Merveille de fragilité viens, dansons peau contre peau

Amour  tout court, les biens du cœur.  Waouh ! C’est haut !!

Et puis on saute dans le bus partager le prochain morceau

 

Suresh et sa team Sundar vous êtes beaux

Merci pour votre patience on n’est pas toujours rigolo

Mais c’est la complétude qu’on a, et

La quiétude qu’on cherche

D’ailleurs c’est comme les chapatis

Plus on en a et moins on sèche...

 

Refrain 

 

Samuel a utilisé les mots donnés par tous les Caravaniers pour écrire ce texte.

                                                                                             (Février 2013, Tamil Nadu) ».


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