Deux groupes de Caravaniers sont constitués. Un des deux va visiter le Matrimundir et l'autre s'offre un bain de mer suave sur la plage "Serenity" près d'Auroville. Plage de sable blanc maculée de sacs plastiques, de bouteilles vides d'alcool... Nous slalomons pour rejoindre la mer... L'eau est toujours aussi chaude mais elle nous paraît presque rafraîchissante compte tenu de la chaleur qu'il fait déjà à 9 heures 30 !
Déjeuner pour tout le groupe à "Solar Kitchen", une cuisine communautaire qui prépare un millier de repas par jour en utilisant l'énergie solaire. Un immense capteur solaire placé sur le toit de la structure reçoit les rayons du soleil et les transforme en énergie.
Ensuite plusieurs visites sont programmées...
Un étrange instrument nous accueille, sorte d'énorme insecte fait de tubes en métal, reliés par des morceaux de bois. Ici, la créativité est de mise ! Le bambou se transforme en flûtes, toutes plus surprenantes les unes que les autres. Les lames de métal deviennent xylophones, les tubes de plastique, ou encore les coquillages, deviendront eux aussi des instruments originaux. Les matériaux issus de la nature (coques de fruits séchés par exemple) sont privilégiés.
«Svaram», la fabrique d'instruments de musique d'Auroville, a été créée il y a 10 ans. Les locaux sont divisés en deux parties. L'atelier de fabrication, et le magasin d''exposition/vente. Côté fabrication, les employés travaillent essentiellement au sol, un travail patient, minutieux. Dans le magasin d'expo/vente, les visiteurs peuvent toucher et surtout essayer les instruments. Les sensations sont délicieuses et l'oreille très agréablement surprise.
Les employés de la fabrique n'étaient pas musiciens, à la base, mais le sont devenus petit à petit. Ils sont tous passionnés par leur métier. Ils reçoivent des instruments du monde entier, les copient, les transforment, les font évoluer, et ne cessent d'en inventer toujours de nouveaux. Des stagiaires bénévoles viennent d'un peu partout dans le monde chaque année, pour apporter leurs idées et expérimenter la joie de créer, ensemble, des pièces uniques.
« La belle musique est dans le silence, il suffit de l'écouter... ».
Quelques pistes de sable contribuent à créer un univers feutré aux ateliers de Upasana.
Ateliers et boutique sont dirigés par Uma, une jeune femme indienne qui nous présente, en toute simplicité, les incroyables projets qu'elle mène et qui contribuent à la réalisation des objectifs humains de l'activité économique d'Auroville.
Après le tsunami, Uma, designer de mode, a proposé aux femmes du village de réaliser des petites poupées avec les restes de tissu de son atelier de couture. Elles les ont appelées TSUNAMIKA ! Elles sont offertes et non vendues, fonctionnant sur le principe du don. Des millions de poupées ont été distribuées de par le monde notamment via les délégués de l'Unesco à Paris. Cela a permis aux femmes de gagner leur vie et de subvenir aux besoins de leur famille après la disparition de leurs maris et la perte de leur maison.
Par cette expérience, Uma a constaté que son métier lui permettait d'avoir une action sur la société. Elle s'est demandé comment poursuivre.
Sensibilisée à la pollution des sacs plastiques, elle a imaginé des cabas en tissu léger très compacts, destinés à les remplacer. Elle a créé le concept « small step » : un « petit pas pour une grande évolution ».
Elle découvre ensuite que les Soyeux de Bénarès n'ont plus de commande et que malgré leur savoir faire, leur métier risquait de disparaître. Elle entreprend de leur dessiner des modèles de vêtements et accesoires puis leur cherche des marchés.
Uma apprend que les fermiers propriétaires de petites exploitations de coton autour de Madurai n'ont plus de débouchés pour leurs productions car ils subissent la concurrence des producteurs de coton OGM. Elle décide d'acheter leur coton bio organique et de réaliser une ligne de vêtements « bio ». Pour la distribution des créations, elle ouvre deux boutiques qu'elle appelle Janaki, une à Mysore et une autre entre Pondicherry et Chennaï.
Uma transforme le plomb en or. www.auroville.org.
Après ces deux visites, nous partons installer le piano à 16 heures 30 pour un concert prévu vers 19 heures 30 au Visitors Center, le lieu où se trouve les boutiques au coeur d'Auroville...
Un dîner nous est offert en plein air.
Nous assistons à un concert intimiste où les Aurovilliens peuvent découvrir en avant-première un diaporama de 400 photos projetées sur grand écran de notre voyage en Inde. C'est un moment de forte émotion pour tous les Caravaniers de revoir nos sourires, nos étonnements, nos moments de grâce... Le public est visiblement conquis... Olivia accompagne au piano le défilé des images et son talent de pianiste tout en subtilité renforce nos émotions... Marc se met au piano et poursuit cette belle soirée où la chaleur donne une atmosphère douce et dansante... Sujit avec ses percussions nous permet de terminer dans la joie et le partage...
« Indéfinissable ce pays aux multiples facettes
Indépendant depuis Gandhi qui a su libérer le pays sans violence
Indéfectible courage de ce peuple debout pour construire un avenir meilleur
Indiscutable beauté des plantations de thé et des plages de sable noir bordées de cocotiers
Indélicat parfum des rues jonchées de détritus
Indésirable pollution occasionnée par un développement non maîtrisé
Indéfendables hommes qui maltraitent les femmes pourtant protégées par les lois
Indélébile trace que ce pays me laissera… ».
Serge
« Auroville 1977 : Le désert rouge
Auroville 2013 : Ville verte
J'arrivais en Inde au printemps 1977, un vol avec un « stop over » au Caire me permettait de m'envoler vers mes rêves. L'Egypte avec sa fabuleuse histoire, l'Inde, pour moi, plus mythique et mystérieuse. J'avais lu avant 1968, le projet de la création d'Auroville, avec sa charte de réunir des hommes et des femmes sans distinction de race, de religion, de nationalité : une ville qui appartiendrait à l'humanité entière au service de la Vérité. On faisait appel aux grands architectes pour y participer, je me souviens d'avoir fait le parallèle avec Brasilia.
J'avais donc une idée en tête , connaître Auroville. Je m'acheminais vers Pondicherry, ville que je trouvais accueillante et belle, le plus beau souvenir : un chemin de petites bougies de la jetée à la plage.
M'étant renseignée pour Auroville, je louais un vélo et je fis les dix kms sous un soleil de plomb. La chaleur était très forte fin avril, je suis arrivée suffoquée dans un endroit désertique où un bâtiment mastodonte inachevé et abandonné m'annonçait que j'étais arrivée à destination.
Je me dirigeais vers où il m'a semblé qu'il y avait de la vie : une construction simple où des français hommes et femmes parlaient. Mon « bonjour » n'était ni dérangeant ni intéressant… Ils avaient à faire.
Quand je repris mes esprits, je me suis invitée au thé et me suis permise de poser quelques questions, surtout celles pour me rendre utile : donner un coup de main, travailler. Devant mon insistance, ils m'ont adressé à une chambre où tout autour, des indiennes assises par terre, faisaient des bâtonnets d'encens : sur une pierre, elles plaçaient une fine tige où s'enroulait une autre fine tige de pâte odorante. Elles avaient une habilité, une dextérité étonnante. Quand j'arrivais à en faire un, grossier, elles en avaient fait cinquante. Nous y avons passé le reste de la matinée. Ensuite, j'ai décidé de me promener pour faire connaissance avec le lieu.
Je crois me souvenir que l'espace était conçu en cercles concentriques avec des noms comme Aspiration, Harmonie, Sincérité... Il y avait aussi de toutes petites tentes blanches fragiles d'une grande beauté, cela me plaisait beaucoup mais pas âme qui vive autour.
Dans mes déambulations, je finis par rencontrer Philippe avec qui j'ai pu assouvir ma curiosité et aussi déverser ma déception et mon amertume du manque d'accueil dans une ville qui prônait l'universalité et avait une charte d'une telle audace. Il me répondit qu'Auroville n'était pas un zoo et ne voulait le devenir ni non plus un lieu touristique.
Il me proposa de venir m'y installer en douce si quelqu'un m'invitait à y rester. Cela me faisait penser au Petit Prince, il fallait apprivoiser les lieux et quelqu'un. Il m'expliqua aussi les soucis majeurs du moment pour les Aurovilliens : un mexicain en se coupant du reste avait décidé de faire son hacienda dans le terrain de la Mère avec d'autres personnes qu'il semblait avoir subjuguées sans les laisser partir. Dans leur impuissance, ils faisaient confiance à la Mère « qui avait plus d'un tour dans son sac » pour déjouer le problème.
Je continue de découvrir l'ambiance. En tous cas, je n'avais pas envie de rencontrer des occidentaux qui se faisaient appeler « nénuphar, lotus ou autre... ». Je me méfiais comme du diable de ces gens aux allures mystiques insolantes.
J'attendis le coucher du soleil, les larmes aux yeux, je repartis vers Pondicherry. Un pan de mes rêves tombait. Décevant !
2013 : Avec la Caravane amoureuse, je rencontre Joss qui poursuit son travail de recherche écologique de reforestation et préservation des forêts autochtones : le désert rouge n'existe plus ! Avec lui je découvre un Aurovillien arrivé à la même époque faisant partie de cette jeunesse inquiète à la recherche d'elle-même et d'un monde nouveau à bâtir. Il a su persévérer et trouver sa place à Auroville.
Avec le regard que donne la distance du temps parcouru, je crois que tout est bien ainsi. Moi aussi j'ai trouvé ma place. Auroville existe, respire comme un laboratoire de recherche sur plein de domaines : un espoir pour le futur de tous.
Longue vie à Auroville et à son esprit ».
Rosa