Journal de Bord 2013
Le 9 mars - Bangalore - Tamil Nadu
« Sois comme la fleur, épanouis-toi librement, et laisse les abeilles dévaliser ton cœur » - Rämakrishna
Aujourd'hui, Sylvie quitte la Caravane.
Annadana Farm
Nous prenons un petit déjeuner dans le restaurant de l’hôtel avant notre départ prévu à 8h30 pour la ferme « Annadana » à 1h30 de route d’ici. Nous arrivons au village de Singapura. Sanguita notre hôtesse nous accueille sur la propriété entourée de bâtiments en construction. Elle est responsable d’Annadana, association à but non lucratif appartenant à l’organisation mondiale Kokopelli qui œuvre pour la sauvegarde des semences, de la terre et l’autonomie des paysans. Sanguita nous présente toute son équipe avec fierté et respect : 9 femmes et 3 hommes agriculteurs et agricultrices, gardiennes de semences, cuisinières, ainsi qu’une ingénieur agronome, un responsable de la communication et gestionnaire bénévole. Cette structure a été créée il y a 12 ans pour préserver, cultiver des légumes, herbes, semences (actuelles ou en voie de disparition) ainsi que pour enseigner les techniques de production organique. La ferme est totalement autonome, tout est produit sur place excepté le sel et le sucre.
Sanguita a hérité de ce terrain à la mort de son père l’année dernière et continue son projet. Elle nous éclaire sur l’histoire, l’éthique et la vocation pédagogique de la ferme. Cette femme lumineuse semble portée par la noblesse de sa tâche.
Elle accueille sur ses terres cinq familles rescapées du Tsunami et aimerait construire d’autres maisons pour accueillir les cinq autres familles qu’elle a aidées durant le tsunami et qui vivent encore à l’extérieur. Chacune d’elles a son lopin de terre à cultiver, le surplus des récoltes est redonné à l'association.
Une visite du domaine nous est proposée. Patiemment, Sanguita nous explique tous les procédés issus de la combinaison du savoir-faire ancestral et de l’innovation : la préparation de la terre (mélange de terre de dessus et compost), l’ensemencement, les récoltes, la fertilisation des sols, le mulchage (paillage des plantations). Nous découvrons les 20000 m2 de la propriété. Tout est recyclé ici.
Le gaz de la cuisine est produit par le méthane dégagé par le purin des vaches élevées sur la ferme ; il est transporté par tout un système de tuyauteries. Nous sommes contents de voir ici, les vaches brouter de l’herbe fraîche et non pas des tas d’ordures comme souvent en Inde.
Des vasques d’eau en cascades reproduisant les méandres et tourbillons de l’eau d’un torrent de montagne permettent de purifier et de dynamiser l’eau utilisée.
Au détour d’un chemin, nous dégustons des sortes de groseilles vertes très acides mais extrêmement riches en vitamines C.
Des femmes nous montrent maintenant les diverses méthodes de récupération des graines (tomates, okra, piments, …) afin de les stocker pour de futures utilisations, les donner ou les vendre à des cultivateurs, selon les cas.
La visite terminée, des noix de coco remplies de jus frais nous désaltèrent. Avec la chaleur avoisinant les 40°, c’est vraiment bienvenu !
Après plaisir, nous nous installons à l’ombre sous un préau. Le piano attend, Olivia commence à caresser les touches, comme d’habitude son jeu est subtil, envahissant.
Catherine nous offre ensuite un morceau de violon, suivie de Dominique, notre accordeur, qui improvise un sketch en duo avec Yuval sur des notes de jazz. Une employée vient jouer de la flûte et Marc nous apporte son habituel enthousiasme musical...
Un déjeuner végétalien riche de la production locale nous est offert. Des galettes de millet, céréales dont Martine nous a parlé la veille, nous sont servies. Sanguita nous présente sa famille, fière de sa fille danseuse qui nous offre avec grâce et timidité quelques pas de danse. Heureux de ce moment partagé, les remerciements sont réciproques au moment du départ. Cela fait chaud au cœur de savoir qu’il existe des femmes et hommes de qualité qui oeuvrent avec talent pour créer un monde futur plus respectueux, équilibré pour tous les règnes de la Nature.
Festival Culinary Fiesta
Nous partons. Ce soir au programme, une fête organisée par un centre d’études culinaires où nous sommes invités grâce aux musiciens d’Agnii qui nous accompagnent. Des barnums sont dressés, de jeunes cuisiniers s’affairent, toque blanche sur la tête. Il s’agit pour eux de montrer leur talent ; toutes les régions de l’Inde sont représentées. Les odeurs de cuisine, d’épices nous chatouillent les narines. L’eau à la bouche, les Caravaniers s’imaginent déjà découvrir et goûter toutes ces saveurs épicées.
Par ailleurs, les musiciens règlent leurs instruments, des ingénieurs du son vérifient le matériel, d’autres les éclairages, le piano est installé. Nous profitons de quelques heures libres pour une sieste, écrire, lire,se faire du henné ou acheter des produits locaux. Ce temps personnel est précieux pour nous ressourcer. Des spots colorés s’animent, le lieu se remplit, 500 à 600 personnes sont attendues.
Le départ des festivités est donné. Un groupe de percussionnistes fait résonner des rythmes puissants et entraînants.
Déjà nous dansons ! Un groupe tribal arrive sur scène, coloré dans ses costumes jaune et prune. Une puissance virile se dégage de leur musique et de leur danse. L’énergie s’intensifie, le monde afflue. Le DJ passe des musiques internationales puis annonce Marc et La Cavarane amoureuse.
Marc débute seul puis avec nos amis musiciens indiens percussionnistes. Les variacordes intriguent et de nombreuses personnes entourent le piano. L’ambiance continue avec des feux d’artifice, les enfants se font tatouer au henné, caricaturer et se régalent de barbe à papa. La musique, la danse, les jeux de lumière, les feux d’artifice célèbrent l’instant. Après avoir goûté les différents mets proposés, nous repartons même si la fête bat son plein. Les enfants sont fatigués !
Et c’est toujours un vrai bonheur de retrouver une douche fraîche et son lit !
Le journal de bord des enfants
Aujourd'hui on va dans une association qui ressemble à Kokopelli : Annadana. On nous explique son fonctionnement. C'est intéressant. Il faisait juste très très chaud. On nous montre leurs champs et on nous fait goûter des fruits. Marc fait un concert à la fin. On reste très longtemps là-bas (jusque vers cinq heures de l'après-midi). Le soir, on fait nos valises car nous partons demain à Mysore. On mange, puis on va dormir.
Jenna et Paul
Pour l'amour de la terre...
« Rencontre à Anadana, antenne de l'Association Kokopelli
L'Inde est une terre agricole depuis 15 000 ans. L'agriculture est une activité vitale garante d'une autonomie pour les familles et d'une souveraineté alimentaire.
Anadana est une ferme écologique de cinq acres où se développe un projet magnifique en lien avec l'association Kokopelli depuis 2010 pour défendre, promouvoir et expérimenter une agriculture durable et soutenable.
La ferme de Sangita et Harris a plusieurs missions d'importance majeure :
- celui de conserver 200 variétés de semences. C'est une tâche difficile. Pour donner un exemple, la carotte nécessite 14 mois pour passer de la graine à la plante porteuse de semences.
- celui de cultiver 50 variétés de plantes médicinales, 33 de tomates. Environ 55 variétés de légumes sont plantées par an. Nous voyons une multitude de variétés de salade (18 variétés), des plants de curcubitacée, de tomates protégées sous serre par des moustiquaires afin de conserver la pureté variétale. Il y a également du maïs d'Inde, du millet, du riz. Sangita rappelle que, dans la culture productiviste les agriculteurs utilisent 20kg de riz quand à Anadana ils en utilisent que 5kg pour cultiver le riz.
- celui de promouvoir la nécessité de revenir à une agriculture traditionnelle croisée avec des méthodes alternatives efficaces et expérimentées sur le site : agriculture sans intrants chimiques, culture sur butte, utilisation de canaux, compost, mulch, cultures associées, cuve de méthanisation, etc.
- celui d'interpeller décideurs et scientifiques pour montrer que nos agriculteurs sont des personnes dignes, leur sagesse et leur connaissance sont incommensurables !
- celui de former des agriculteurs qui formeront d'autres agriculteurs... afin qu'ils se rendent compte des possibilités alternatives aux cultures productivistes qui utilisent l'agro-chimie.
- celui de montrer qu'une ferme peut vivre en totale autonomie (sauf sucre et sel).
Plusieurs personnes travaillent sur le site : Sangita et Harris, directeur du projet et manager pour les futurs projets, 2 cuisinières qui font des repas délicieux, 3 spécialistes : Une femme, chercheur en biotechnologies, un homme responsable de l'organisation, du partage et de la diffusion de l'information, un informaticien et une jeune maman qui se porte bénévole dans la semaine.
La plupart étaient employés dans l'industrie et il leur a été demandé de revenir à l'agriculture.
Nous avons droit à une démonstration de production de semences, une dégustation de noix de coco. Un concert succède à cette visite porteuse et prometteuse d'espoir pour les agriculteurs d'aujourd'hui et de demain. Un repas de salade et galettes de millet nous sustente délicieusement.
"Je suis la semence et la semence est la création du cosmos" nous dit la Bhagavad Gita.
Puis-je ajouter que semer c'est s'aimer, aimer la terre, aimer l'humain, aimer le divin... ».
Muriel