Le 15 mars - Sathyamangalam - Karnataka

La presse en parle :

Joie de vivre
Deccan Herald du 14 mars 2013

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« Croisons nos regards
Osons la rencontre
Comme dans un miroir
Nos beautés se montrent »
- Stéphanie AZAU -

 Aujourd'hui, bienvenue à Ella et Marie-Hélène qui intègrent la Caravane.


Rencontre avec des femmes actives en milieu associatif pour linsertion et la protection des femmes.Jocelyne avec une des femmes responsables.


Photo de groupe des participants à la rencontre.


Nouveau départ ce matin, après une rapide réunion d’organisation. Une partie des Caravaniers est sollicitée pour approfondir la rencontre avec Augustin BRUTUS et l'O.N.G. Read sur la condition des femmes en Inde. Ils en profitent en fin de journée pour passer à l'aéroport de Coimbatore pour accueillir Ella et Marie-Hélène, nos deux nouvelles Caravanières fraîchement arrivées de France.


Quant à nous, nous filons sur les flancs de la montagne pour rejoindre un ashram dans la région de Ooty, dans lequel nous passerons deux jours.

La route s’élève à travers une forêt aux essences d’arbres variées, des bouquets de couleurs presque violentes qui tranchent franchement dans un camaïeu de verts ; la chaleur disparaît rapidement, les palmiers et bananiers également.

Dans le bus, les uns et les autres inquiets par l’annonce des nuits fraîches de montagne font l’inventaire et comparent leurs vêtements chauds,… Au cas où !

Les paysages nous projettent quelque part au Japon, quelque fois dans les Alpes et nous pensons à Françoise et Véronique, les Savoyardes qui nous ont quittés avant hier. Diana et Anne-Marie sont, elles aussi, parties vers d’autres horizons.

Déjà trois heures de transport ; nous traversons des cultures de thé qui s’étirent jusqu’au sommet de la montagne et lui font une chevelure soignée.

A l’entrée de la petite ville d’Ooty qui nous accueille, un porche avec ces mots :

« Free plastic Neelagiri welcome you »… Traduit par « Bienvenue à Neelagiri sans plastique ». Nous n’osons y croire : une région sans plastique ??? … Est-ce pour bientôt en Inde ???

Nous arrivons peu après à l'ashram du guru NATARAJA, son fondateur, où nous sommes accueillis par Swami VYASA PRASAD. C'est grâce à notre belle lieutenant d'amour indienne, Cavita, disciple dans cet ashram, que nous pouvons bénéficier de ce lieu enchanteur. Nos cœurs et nos corps se réjouissent ! La nature environnante, le calme et la douce fraîcheur du lieu nous apaisent après ces heures de route sinueuse. Le contraste avec les journées précédentes, nous rend conscients de la pression exercée insidieusement par la ville et ses poubelles, la surpopulation, la pollution, le bruit, les klaxons, ….

Nous prenons un temps en réunion pour définir les lieux de couchage : qui dans un dortoir, qui dans une chambre ou bungalow. L’entreprise s’avère laborieuse, chacun rêvant d’une nuit confortable et réparatrice… Sans compter les propositions particulièrement attirantes comme celle de dormir dans l’Ice-box », lieu symbolique où Nataraja guru est entré en samadi. Il faudra tirer au sort ! Sitôt installés, nous partons pour une ballade de découverte. Merveille de calme ! Calme donné par ces cultures de thé en terrasses régulières ; calme étalé par le vert de la jungle sauvage toujours présente en arrière plan, calme distillé par l’odeur rafraîchissante des forêts d’eucalyptus que nous traversons…

Joseph disciple de l’ashram, notre guide pour cette balade, nous offre quelques mûres sauvages jaunes cueillies dans les buissons. Il commente les environs : la première école créée à l’époque de Nataraja il y a plus de 120 ans, le village des réfugiés du Srilanka. Arrivés dans les années 1995, ils se sont installés là pour fuir la guerre ; ce village a bien grandi depuis. Nous avons le plaisir de croiser des regards curieux, amicaux, joyeux… Le plaisir de cette rencontre improbable est visible sur leurs visages… comme sur les nôtres !

Nous voici de retour à l’ashram pour l’heure de la prière. Tous les disciples sont présents, les prières commencent… Incompréhensibles pour nous, les sons ancestraux nous accompagnent et conduisent notre méditation.

C’est l’heure du repas végétarien, simple mais goûteux… Ici la cuisine est préparée avec amour, c’est certain !

La rencontre avec READ

Un petit groupe retrouve Augustin et l'Association des Femmes, READ, en réseau avec INDP Intercultural Network for Development and Peace.

Huit femmes et huit hommes sont assis sur des nattes. La rencontre s'ouvre avec un chant de Joss, un artiste de l'association. 

Mr. Karruppusamy, fondateur et directeur de READ nous explique : « En 2000 j'ai fait un camp franco-indien INDP à la suite duquel j'ai créé cette ONG pour les «dalit» (mot choisi pour désigner les hors castes, anciennement intouchables). Nous intervenons avec les enfants et les femmes surtout à travers les coopératives. Le travail est un point crucial où se concentrent leurs problématiques. Par exemple, la discrimination au travail est interdite par la constitution et pourtant les postes d'éboueurs sont toujours attribués à des intouchables. Des jeunes filles se retrouvent prises dans un système d'exploitation, attirées, même de force, par un travail dans notre région industrielle.

Nous sommes implantés ici sur trois districts et nous touchons directement plus de 1 000 000 de personnes. Notre travail de réseau avec INDP nous renforce mutuellement. Il nous permet de proposer à d'autres les opportunités que l'on peut avoir, comme par exemple celle de vous rencontrer ».

Des femmes posent des questions comme Mme S. Pattammal, secrétaire de la Fédération des femmes : « Hier, quelqu'un m'a dit qu'en France tout n'était pas résolu. Pourquoi n'y a-t-il pas l'égalité homme femme ? Qu'est-ce qui bloque cette égalité chez vous ? ». Mme M. Mahesuavi, trésorière de l'association pose cette autre question : « Chez vous quand il y a un problème dont vous êtes conscientes, que faites vous? ». Mme Poornima, responsable de 15 écoles du soir : « Vos pays sont toujours présentés comme développés au niveau des droits de la femme, qu'est-ce qui est primordial pour vous actuellement à ce sujet ? ».

Chaque fois les femmes indiennes insistent pour savoir ce que nous faisons pour le respect de nos droits. Nous sommes de fait tributaires des luttes de femmes antérieures. Comment sommes-nous actuellement militantes ? Chacune à notre tour, nous présentons et témoignonsde notre position de femme actuellement en France. Nous reconnaissons que nous vivons mieux que nos mères et que des lois permettent de se défendre. Nous évoquons des questions comme la disparité, les violences, la situation des femmes seules, le travail précaire, le manque de lien social, le logement, les échanges de savoir, le racisme … 

Le directeur choisit de parler dans sa langue maternelle pour faire référence à l'histoire de la France, à la révolution française et aux comptoirs issus de la colonisation. Il parle aussi du travail des organisations qui s'y sont battues pour leurs droits, qui se sont exprimées avec force et constance et ont obtenu la place qu'elles ont aujourd'hui.

A partir d'une question sur les castes il nous fait partager son analyse du système indien actuel. Voici ce que nous en avons compris.

Ici, deux systèmes de lois existent.

Le premier, c'est la Constitution de l'Inde. Jeune nation depuis 70 ans, la Constitution a été écrite par un dalit qui s'est inspiré de toutes les constitutions du monde dont celle de la France et qui aborde la question de la justice sociale. C'est la plus longue Constitution qui existe.

Le second système est composé des normes des lois religieuses, c'est un système de castes. Il a été institué il y a plus de 5000 ans par un brahmane du nom de Manou ; Il y a quatre grandes castes , reprises par la religion hindou. Certains sont à l'extérieur des castes. À chacune se rattachent des métiers, des idées et même des espaces géographiques.

Les Anglais se sont servi du système et l'ont renforcé. Et le système est inscrit dans l'âme et le corps des personnes depuis si longtemps, que la victime le porte en elle par la naissance, puis le métier. Les Dalits représentent, aux dernières statistiques, 22 à 25 % de la population indienne.

Aujourd'hui, l'Inde est un pays émergent et le système devient plus insidieux, les hautes castes se servent du système et de la modernité. Il y a l'Inde des satellites mais c'est la même Inde qui ne donne pas de gants aux femmes, qui s'occupent des poubelles, qui laisse la population dalit travailler nue dans les égouts, qui lui réserve les métiers les plus difficiles comme croque mort ou éboueur.

La constitution est très peu appliquée, comme le montre le film vu hier soir. « Cette écolière violée et assassinée ». Nous sommes tous issus de ces communautés-là qui ont souffert et qui sont meurtries. Le viol dont il est question, n' a pas eu une seule ligne dans la presse, la question de fond n'est pas abordée. Le violeur et assassin n'a passé que trois heures en prison. Depuis trois ans le procès n'avance pas et la famille n'a aucune compensation financière ni une reconnaissance en tant que victime.

Il y a eu un président dalit mais il n'est qu'une façade. Il n'y a pas de femme élue et celles qui osent aller à l'encontre du système sont assassinées. Chaque fois qu'une demande en justice est faite sur la base des lois constitutionnelles, la réponse est : viol, meurtre, assassinat, village brûlé comme cela est arrivé dans le district voisin il y a peu de temps. Ils font tout pour bloquer toute forme de changement.

Les grands groupes sont en train d'alimenter l'image du pays qui prospère et ils cachent cette injustice majeure. La presse appuie le gouvernement en place et les castes en place, auxquelles elle appartient. Les partis politiques sont entre les mains des hautes castes et ils vont chercher dans les basses castes des hommes qui sont à leur service pour montrer qu'il y a des dalits élus, mais ceux-ci sont pris dans l'engrenage.

« Pour nous il n'y a pas d'autre solution que l'éducation, que d'exprimer ce qui se passe, de manifester, de s'opposer au pouvoir.  La fête d'hier soir dans la ligne de la journée de la femme, c'est un message envers les femmes, les enfants, c'est une ouverture culturelle, c'est de l'éducation ».

Augustin Brutus : « Nous parlons autant d'éducation que de combat, mais pas dans la confrontation hommes/femmes comme en occident ; en Asie il y a consensus et ce sont toujours les hommes ET les femmes. Nous donnons la juste et vraie place aux mots sinon les mots sont repris par les grandes firmes, qui par exemple, disent : « Sois toi même, si tu achètes mes chaussures ». En Europe vous perdez vos mots et ce sont les publicitaires qui vous disent ce que vous devez être, cela vous empêche de faire une juste analyse. INDP, chaque année, reçoit 50 stagiaires d’Europe et passe une grande partie du temps à les « dé-formater ». Gandhi est « affiché » mais de manière bien édulcorée. C'est pourtant lui qui dit : « Entre la violence et la perte de dignité je choisis et fais le choix de la violence » ».

« Notre combat, nos objectifs se font dans le respect, dans la non violence. En ce moment toutes les entreprises essayent de «piquer» le marché indien, ce n'est pas du développement. Ne restez pas superficiel, allez en profondeur pour comprendre ».

« J'ai parlé du risque de vous recevoir pour INDP. Ce risque est réel et c'est le pourquoi de cette rencontre : que nous nous comprenions bien, car nous avons essayé de voir ce que nous pouvions nous apporter et on se demandait si vous ne risquiez pas de faire capoter ce qu’on essaie de faire comprendre, tout notre travail sur l’injustice.

Nous voyons que vous êtes des personnes engagées et nous sommes aussi heureux de cette rencontre.

Mais l'Inde est dans cette course mondiale. Pourquoi nous dites-vous d'acheter des Renault et non pas des vélos électriques ? Si l'Inde va dans le système capitaliste, l'Inde risque de faire capoter le monde car son poids est grand ; il y a un risque de crise alimentaire, énergétique, environnementale. L'Inde fera basculer le monde.

Donc oui à l'amour, pas seulement l'amour gentil, mais l'amour enraciné. Je vous souhaite d'autres rencontres, soyez des européens critiques ».

Marie : « Nous avons actuellement de bonnes lois et la justice s'applique, mais les structures deviennent rigides et parfois trop rigides. C'est pour cela que nous aimons aussi avec Marc VELLA faire un clin d’œil à du plus « Vivant ». Il est vrai que nous avons besoin des structures mais qui placent l'humain au centre ».

Marc : « Avec la Caravane amoureuse, nous essayons de trouver le langage du cœur, et ce n'est pas superficiel de prendre quelqu'un, quelqu'une dans les bras et de dire « Tu es belle ! ». On nous avait dit que les indiens ne se touchaient pas mais depuis le début, les indiens nous ouvrent leurs bras en même tant que leur cœur ...

L'amour est devenu une marchandise, un instrument de pouvoir et je t'aime veut dire « Tu m'appartiens ». Nous avons besoin de nous libérer de cette culpabilité et de la colère, de nous en extraire. Notre droit à l'Humanité c'est la complicité. Nous sommes toujours dans des comptes, il n'y a aucune victoire à revendiquer si la victoire n'est pas dans l'amour, la tendresse, l'accueil inconditionnel de l'autre dans sa différence. Nous ne serons jamais égaux s'il n'y a pas de respect. Il me reste cette question : Est-ce que je suis capable d'accepter l'autre libre, est-ce que je suis capable d'être vrai ? ».

Journal de bord des enfants

Départ vers Ooty. 7 heures de route avec les pauses. L'altitude est de 2500 m, les petits ruisseaux et les plantations de thé sont magnifiques, mais il fait très froid. Nous avons failli plusieurs fois tomber en bas de la montagne à cause des chauffeurs « engageants ». Beaucoup de Caravaniers gourmands achètent une boîte de chocolats dans une boutique.

Le maître Swami nous accueille dans la salle de prières. Kavita nous explique les différents bâtiments de l'ashram et ses fondateurs.

Plus tard, Je participe à l'atelier « Bolas » de Manon. C'était super, j'attends déjà avec impatience le prochain atelier.

Jenna et Paul

 


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