Quel bonheur de passer une nuit à la fraîche ! Peut-être pas pour tous… Certains ont même eu froid ! Il faut dire que la différence de température est conséquente. Les amoureux des étoiles ont été coupés dans leur élan, ils n’ont pu dormir à la belle hier au soir. Avertis par Kavita, des buffles sauvages appelés « anoa » qui rôdent la nuit attirés par les jeunes pousses du jardin, se sont réfugiés à l’intérieur de la pagode. Kavita semblait vraiment inquiète en parlant de ces puissants mastodontes de 300Kg dont on ne distingue que les balzanes blanches la nuit (taches blanches sur le bas des pattes). Ces buffles peuvent atteindre 1,80 m de hauteur et leurs longues cornes en forme de demi-cercle courbées vers l'arrière et aplaties vers l'avant, 2m d’envergure. Ils peuvent être très agressifs dans les périodes amoureuses… Donc c’est dit : nous n’irons pas leur proposer nos baisers et caresses !!!
6h30 Balade au lever du soleil sur les cultures de thé. La brume matinale nous accompagne et donne au paysage une douceur cotonneuse qui invite au silence.
Au retour, un petit déjeuner… Kavita attentive, l’a prévu pour nos palais occidentaux.
Aujourd’hui, l’emploi du temps est souple.
Sabine et Evelyne vont visiter une entreprise de thé, d’autres iront en ville ; d’autres encore assisteront à un entretien avec Swami VYASA PRASAD sous forme de questions réponses. L’entretien a lieu à 10h. Les questions posées sont très diverses. C’est le moment privilégié pour approfondir une question spirituelle que l’on se pose personnellement. Patient le Swami nous répondra tout en précisant pour certaines que le sujet est trop profond pour être abordé en si peu de temps. Il précisera certains points comme :
- « Il n'y a pas d'idéologie dans le Védanta.
Tout est Un, nous sommes nous-mêmes la création.
Si nous prenons l’image de l'océan et des vagues : nous sommes une vague de l'océan et Dieu est l'océan. Nous sommes à la fois la vague et l'océan. Si vous allez au fond de vous-mêmes, c’est à dire au fond de l'océan, vous aurez les réponses…
- Ne confondez pas le guru avec une personne. C'est un principe d'abord.
- La religion tombe dans la superstition, le mystique part d'une expérience intérieure…
- Pour moi, la transmission est plus facile en Inde car il y a une reconnaissance immédiate liée à la tradition.
Dans la tradition occidentale, il y a plus de blabla, plus de mental.
En Inde, nous sommes conscients de la lignée des maîtres à laquelle nous appartenons. Je peux remonter dans ma lignée jusqu’à 4000 ans sans coupure. Les textes, les prières que nous étudions datent depuis très longtemps. Cela n’existe pas pour vous en occident… ».
L’entretien se termine, c’est l’heure du repas.
En aparté, en quittant la salle de prière, nous posons une dernière question à Swami VYASA PRASAD au sujet de son guru, qui nous permet alors de toucher du doigt la force de la relation qu’il y a eu entre ces deux hommes. Son regard devient brillant, illuminé, l’amour porté transpire à travers lui, toujours vivant. Nous sommes émus c’est tellement palpable, nos cœurs en sont inondés…
Midi : le repas végétarien est servi d'habitude par nos charmants hôtes avec le sourire de Joseph responsable du lieu, toujours présent avec son regard qui nous embrasse sans restriction. Mais cette fois-ci, Kavita avec son petit sourire timide nous avait demandé de lui préparer des pâtes bien de chez nous ! Roger et son enthousiasme, accompagné de volontaires parmi les Caravaniers, a réussi ce pari de nous préparer « un repas à la française » avec des pâtes agrémentées de sauces aux champignons et petits légumes du jardin. Un clin d'oeil bien apprécié de tous !!!
Nous filons dès la fin du repas sur Ooty dans la vallée, pour y faire quelques emplettes. Choix vite regretté tant le bruit, la chaleur, la pollution et la puanteur, nous agressent après ces moments de calme profond vécus en pleine nature à l’ashram.
Nous rejoignons les hauteurs juste pour le début du concert qui s’annonce avec l’arrivée en nombre des indiens de la région.
Nous nous retrouvons tous sur l’esplanade en haut de l’ashram, sous le regard de la statue d’un des gurus de la longue lignée de NATARAJA. Tous les indiens proches de l’ashram sont assis là en tailleur sur des bâches, rejoints par des villageois Sri lankais que nous avions prévenus la veille lors de notre ballade dans leur village.
Piano, tuba offrent leurs sonorités sous les doigts experts des musiciens…
Les bolas de Manon ont fait des petits et nous sommes entourés de cette danse des « bolas ».
Muriel et Sandra se lancent dans un duo de danse… Ce sera d’ailleurs, le dernier hommage rendu par Sandra qui nous quitte demain, son dernier cadeau d’au revoir au public indien.
Marc propose un « concert d’émergence ». Kavita qui mourrait d’envie de jouer quelques jours auparavant sans toutefois dépasser sa timidité, ose ce soir-là. Son cœur s’exprime délicatement laissant parler les notes du piano sous ses doigts…
La farandole devenue presque rituelle, clôt ce moment d’une douce joie.
19h c’est l’heure de la prière. Nous sommes plus nombreux ce soir à y assister, Swami nous a promis un morceau de violon. Un de ses disciples enchante nos oreilles de chants
indiens, même si nous ne comprenons pas, les sons nous bercent lancinants. Roselyne en réponse leur dédie un chant, une de ses créations.
Le repas est le bienvenu. La fraîcheur du soir nous pousse à nous réfugier au chaud dans la cuisine, les uns assis par terre, d’autres debout l’assiette à la main. Adieu fourchettes et cuillères ! La plupart d’entre nous se sont mis à la mode indienne. Nous mangeons avec la main droite… Reste le plus délicat : la sauce !
20h30, bien qu’épuisés, nous nous offrons une réunion de partage des ressentis de chacun, animée par Alina, afin de souder encore plus les Caravaniers et dénouer les éventuels nœuds émotionnels.
Sous la forme d’un partage à deux, puis en groupe de 8, puis tous ensemble, avec des temps de parole minutés, nous répondons à trois questions : que sommes-nous venus chercher en faisant la Caravane amoureuse ? Qu’avons-nous apporté ? Et qu’avons-nous trouvé et ressenti depuis notre arrivée en Inde ? Beau moment de partage sur la diversité des vécus de chacun… Quels qu’ils soient, nous sommes tous d’accord : la Caravane est une expérience unique et forte, l’Inde et le peuple indien sont absolument magnifiques !
Grasse matinée : réveil à 07h30 ! Nous grelottons.
Nous passons la journée à l'ashram. Certains vont faire des courses, d'autres se promener. Les ballades sont magnifiques, chacun se familiarise avec les lieux.
C'est une journée de repos, le concert est à 18h00. Il est un peu long.
Jenna et Paul
« Un rien m'émerveille, une foule de sensations m'émerveille. La nuit tombe sur cette aventure qui a démarré ce matin, tôt, tôt dans la brume de cette cité au nom surgit d'un conte des Mille et une nuits : Chennai.
Un rien le long de cette route qui n'en finit pas vers le centre de ressourcement des arbres, le centre de villégiature d'une nature exubérante et protégée. Saddhana forest : Une communauté isolée du reste du monde aux règles bien codifiées. Immersion totale dans un bain de verdure, la végétation s'empare de nous, nul ne peut s'échapper, nul ne peut s'en détacher. C'est ainsi et c'est bon. Un accueil magnifique, respectueux. Et ces animaux présents, invisibles qui nous accompagnent le long de ces petits sentiers pour se rendre dans ces douches, dans ces toilettes improbables...
Au beau milieu de ce surgissement verdoyant : une boule, un astre tombé du ciel dans le pays à la spiritualité omniprésente, à la tolérance des croyances inaltérable... Un centre de recueillement, de méditation, silence. Pas feutrés, vibrations intenses, une grande salle au murmure imperceptible : qui parle ? Qui s'exprime ? Oui je suis là, oui j'écoute, oui je sens une présence. Invisible.
La boule s'enroule, se déroule et nous entraîne dans une autre voie, une voie différente et si proche : toujours le même chemin : Arunachala se dévoile à nos yeux étoilés.
La montagne s'ouvre à mes pas, le soleil caresse ma peau et me propulse le long de ce sentier, aride, ou les rochers dessinent un parcours accidenté. Les âmes sont rares, la solitude est douce, inhabituelle. Une heure et demi plus tard, une sorte de cabane en taule, une bâche pour protéger du soleil. Une voix psalmodiant un mantra. Un hôte m'invite à m'asseoir, sur le sol, tout prêt. Odeur d'encens, la voix est douce, régulière : qui est cet homme ?
Je suis assis un peu plus loin, une sorte de demi noix de coco dans les mains et à l'intérieur une boisson indéfinissable. Je bois sans crainte cette boisson des dieux. La grande fête de Shiva a laissé le sommet de cette montagne noircie Un immense feu à été allumé en ce lieu il y a quelques mois, visible à des kilomètres à la ronde, visible de toute la ville de Thiruvanamalaï.
Isolement mystique pour aussitôt se plonger dans la ville. Plongée dans cette effervescence urbaine. Des deux roues par centaines, des klaxons par milliers, des grains de poussières par milliards, des pas croisés, des échoppes aux étalages incertains, aux bocaux de petits biscuits ronds, carrés, sucrés ou salés. Des rues qui se croisent, les couleurs qui s'effacent dans la cour des miracles de cette apparition colorée et titillant délicieusement ou parfois un peu moins délicieusement nos narines.
Un instant plus tard, la planète India a changé de couleur : des dizaines de petits yeux s'écarquillent. Une haie d'honneur. Chacun a sa place, pas de latitude pour le désordre. Et puis, et puis, peu à peu une fissure, deux fissures. La façade petit à petit offre à nos mains, à nos yeux une source de vie qui ne cherche qu'à s'exprimer, qu'à se propulser le long de farandoles endiablées, au son de ces notes de piano, de violon, de percussions. Rythmes et pulsations, les cœurs battent vite et fort. Un éclat d'émerveillement. Rien à dire, rien à prédire : juste vivre, juste être là avec toutes, avec tous, avec chacun.
Nous allons les retrouver à plusieurs reprises ces petites vies qui s'échappent, qui s'enflamment. Parfois très fort, parfois un peu moins. Mais peu importe.
Des instruments aux sonorités improbables nous accompagnent : les aborigènes sont-ils parmi nous ? La troupe se forme et se déforme au gré des rencontres. Les rythmes et les intensités se mêlent : Inde, Australie, Afrique, Europe. Melting pote aux parfums épicés. La musique nous ouvrent les cœurs, enchantent nos matins à la lumière de ce peuple qui bouillonne.
D'un ashram à 2200 mètres d'altitude à la mégapole de 7 millions d'habitants, l'Inde du sud est contraste, multiple. Tout comme notre groupe, multiple et un, coloré et enjoué. Nous sommes 70, nous sommes un. Nous sommes 60, nous sommes deux. Nous sommes. Mêlés à ce peuple, mêlés à ces êtres qui nous accueillent encore et encore.
Jai ambe, jagada ambe, mata bhavani jai ambe... Une guitare égrenne les notes d'un banian multimillénaire, un swami au violon, un maître de karaté, des plantations de thé à perte de vue : où sommes nous ? Dans quel nuage nos rêves ont-ils embarqué ?
La nuit s'éteint doucement, une route, deux routes. Le piano est là, point d'ancrage, point de ralliement. La foule s'agglutine : où sont les indiennes ? La musique décolle les pas endiablés d'une danse rituelle de l'Inde d'avant, de l'Inde première, celle qui cherche à s'exprimer, à ne pas se faire oublier. Nous l'avons déjà croisé, nous l'avons aimé.
La mer se rapproche, ce sera pour demain, ou après demain, ou pour un autre voyage. La route s'ouvre à nous au gré des rencontres, au gré de ces passeurs de vie qui habitent leur pays avec passion, avec cœur. Ils se présentent à nous quand nous avons besoin d'eux et c'est magique. Merci.
La nuit s'éteint doucement sur cette folle journée. Bientôt, haut dans le ciel, nous fermerons nos yeux sur cette magnifique région du Kérala. Nous fermerons nos yeux une seconde, mais rien de cette lumière ne s'éteindra.
Merci incredible India ».
Vincent
« Evelyne, maître es thé et Sabine, traductrice, décident de passer la journée à approcher le thé que nous voyons, tapissant les pentes des montagnes d'un vert très uniforme.
Départ à 9h avec un rickshaw commandé par l'ashram, qui nous laisse à la gare ; déception. Nous ne prendrons pas le train car pour les visites de plantations, c'était plus tôt et un seul train par jour !
Nous décidons d'aller au Tourist-Office pour les infos, d'après le Routard il est à la sortie de la ville, et pas d'autres informations sur le thé à Ooty.
En chemin, des magasins de vente de thé, mais jamais de dégustation, et la question semble incongrue, le marché qui commence de s'animer ; nous demandons notre route et un indien nous signale un grand bâtiment vert ; à 11h nous finissons par trouver le Tourist-Office, portail fermé avec les horaires d'ouverture à 10h...
En redescendant vers la ville, un hôtel chic nous attire, qui doit bien proposer du thé ! Sur la route une boutique de thé avec les prix affichés et une vendeuse complaisante. Après de nombreux achats, nous lui demandons pour la dégustation de thé et elle nous indique tout proche le Coffee-pub Willy.
Pour Evelyne, c'est le premier thé vert acceptable du voyage ; le charmant patron nous indique l'adresse d'une fabrique de thé sur la colline en face. Enfin !!! Nous brûlons. Toucherions-nous au but ?
Nouvelles négociations avec un rickshaw qui accepte de nous attendre une heure ; passage obligé par le musée dont le prix d'entrée est symbolique, sans surtaxe pour les étrangers.
Nous pénétrons dans l'antre envahi par l'odeur végétale intense de chlorophylle ; les feuilles sont en cours de séchage dans les grands bacs ; chacune ramasse des feuilles tombées pour sentir directement le frais, au creux de la main. Evelyne est en transe avec ces effluves entêtantes qui pénètrent l'âme.
Des panneaux pas très frais refont l'histoire du thé qui commence à être consommé en Europe en 1610 et cultivé en Inde à Assam en 1832. Suita aux conflits indochinois, de nombreux prisonniers chinois ont apporté leur savoir-faire sur la culture du camélia sinensis et son adaptation en Inde.
La visite nous invite à descendre, l'odeur est encore plus forte avec le séchage sur tapis roulants, puis en suivant l’humidification par vaporiseur, le parfum insistant donne son ampleur à l'expérience non livresque. Autour de nous il n'y a que des Indiens, nous sommes au bon endroit, c'est l'apogée de la virée, l'objectif est atteint !
Avant les stands de vente,on nous offre un tchai ; au vendeur, Evelyne demande tout de suite le meilleur thé, montrant un échantillon de thé apporté qui est tout de suite reconnu comme de belle qualité ; les vendeurs ont connaissance des bons produits et le respect de cette noble matière première.
Il nous faut un « bigbag » pour contenir tous les achats et la sortie se fait par un circuit devant stands de chocolats, d’épices et de travaux de la laine où les billets de 1000 roupies sont acceptés sans problème.
Petite angoisse sur le parking car nous ne reconnaissons pas le rickshaw et il n'y a plus les deux paquets confiés. Aprés quelques minutes le chauffeur apparait pour ouvrir l'arrière du « tuktuk « où attendaient nos sacs.
Tout va bien ! Retour à la gare où vient sous peu nous rechercher le premier rickshaw.
Les découvertes du pays en routard nous prennent plus de temps que le trajet préparé, organisé par les responsables d'étape de la Caravane amoureuse mais l'aventure en autonomie permet rencontres et satisfactions sur des objectifs plus individuels ».
Sabine