Aujourd'hui, Antoine, Nathalie et Patrice, Sandra, Sabine quittent la Caravane.
Sous un lever de soleil radieux, les Caravaniers s'apprêtent à quitter cet endroit de paix et de partage.
Cet ashram de Narayam Gurukulan est lumineux ; le Swami, chef spirituel de la communauté, conjugue la profondeur d’un message spirituel avec un humour communicatif.
Comme quoi la sagesse peut se vivre dans la joie.
Mais la Caravane traîne les pieds ce matin.
Les bagages ont été chargés, les annonces de départ imminent répétées, les « hugs »
(les étreintes) n’en finissent pas autour de Sabine, Nathalie, Sandra, Patrice et Antoine.
Ils nous quittent, certains rentrent en France, d'autres poursuivent leur route en Inde.
Encore beaucoup d'émotions et le bonheur de savoir que nos chemins se croiseront à nouveau...
Puis la route encore...
Quatre heures pour redescendre de la montagne, pour certains le cœur est au bord des lèvres. Les virages serrés s'enchaînent. Ils n'arrêtent en aucun cas les camionneurs et autres automobilistes qui doublent sans vergogne mais surtout... sans visibilité !!! De quoi comprendre pourquoi les indiens ont besoin d'autant de dieux sur leur tableau de bord !
Ce soir, c'est au centre de culture de plantes médicinales « Vana Moolika Center » (traduit par : les herbes de la forêt) dans la province de Wainad que nous sommes accueillis pour deux nuits.
Bel endroit isolé dans une magnifique forêt. Chacun retrouve son bagage, se cherche un lit dans les dortoirs ou sous une tente. Des chanceux ont même le temps de prendre une douche.
Puis nouveau départ vers le lieu du concert, une petite localité laborieuse. Nous sommes là grâce à deux photographes locaux Didji et Ramdas qui ont organisé cette rencontre. Avant les festivités, un délicieux thali, véritable repas de fête ou de mariage nous est offert : un riz à gros grains particulier au Kerala, cuit à la vapeur, toute une succession d'accompagnements étonnants, mêlant épices et fruits. Ce mélange génial de saveurs et de couleurs nous est servis sur des feuilles de bananier. En Inde, nos sens sont constamment sollicités.
Bonus... Nous sommes assis bien au frais pour déguster ce repas !
L'installation du piano se fait sur une petite place commerçante au plein centre d'un carrefour de la ville de Pulpally. L'attroupement est immédiat. Étrange sensation... Aucune femme dans l'assemblée... Seuls les hommes sont présents.
Déjà, en déambulant dans les rues, à la manière dont beaucoup d'hommes nous scrutent du regard, nous sentons bien qu'il y a peu d'européens à venir ici ; ce qui nous vaut d'avoir ce soir, un public d'hommes, une foule assez fébrile si bien que la police est là pour assurer le calme et le bon déroulement des festivités. Il faut savoir que dans cet état de l'Inde, les femmes ne déambulent pas seules dans les rues après 19h.
Le bruit est assourdissant : les voitures, les klaxons, les gens qui parlent. Vers 17h30, nous sommes prêts, le concert peut commencer. C'est la cérémonie d'ouverture, le rituel d'entrée « la pudja ».
Nous sommes invités à allumer les votives. Ainsi, tour à tour, Jenna, Paul, Marc ainsi que des officiels, enflamment la mèche des petites lampes à huile d'une sorte de grand bougeoir de pierre. Des écharpes aux couleurs de l'Inde sont offertes à Marc et François ainsi qu'un collier de fleurs.
Maintenant, nous voyons arriver sur la scène des musiciens avec leurs percussions accompagnés d'une flamboyante compagnie d'une petite dizaine de danseurs locaux, superbement maquillés et vêtus comme des femmes. Ils ou elles (il est difficile de savoir comment les nommer) sont pieds nus, de magnifiques grelots aux chevilles, leurs saris de pourpre et d'or rehaussent leur beauté. Nous apprenons que dans ce groupe ethnique, les femmes ne sont pas autorisées à danser. Ce sont ces hommes qui vont les représenter. Il semble que leur danse illustre le voyage vers l'enfer où ils vont chercher le pouvoir de guérir. Ils sont aussi les représentants de la déesse Kali, déesse du Temps, de la mort et de la délivrance, mère destructrice et créatrice. Cette divinité représente le chaos nécessaire avant toute renaissance. Ces hommes travestis dansent dans les fêtes familiales telles que naissance et mariage. Les femmes,quant à elles, dansent dans les temples.
A nouveau la troupe de « danseurs-femmes » célèbrent une pujah avant de débuter leurs danses.
Bientôt, nous vibrons aux rythmes primitifs, patrimoine commun d'humanité. Ce sont des percussions qui nous traversent et nous cherchent au plus profond de nous-mêmes. Des rythmes qui conduisent à la transe... Nous sommes tous fascinés par ces beaux jeunes hommes habillés en femmes comme si l'étrangeté de la situation exacerbait notre attention et notre curiosité.
Puis vient le tour des pianistes, Olivia et Marc.
Assis par terre ou sur des chaises, les Caravaniers cernés par la foule servent en quelque sorte de barrière à tous ces hommes tentant de s'approcher au plus près du piano.
Nous admirons la persévérance de nos deux pianistes qui jouent non sonorisés ; difficile pour eux de jouer dans ces conditions, impossible de s'entendre au milieu de ce carrefour et dans ce brouhaha. Maintenant Marc est rejoint par un violoniste indien accompagné de la danse de quelques Caravanières.
Marc invite la troupe des danseurs habillés en femmes qui sont massés derrière le piano, à se joindre. Ils n'osent pas, habitués à leurs danses codifiées.
Une sono est apportée... Enfin, les notes du piano et du violon pourront émerger de la cacophonie ambiante due à la circulation et aux klaxons.
De nouveau la troupe de danseurs locale se lance et nous transportent dans leurs traditionnelles danses rituelles.
Puis Olivia et Marc jouent à nouveau.
Muriel réussit à dépasser ses hésitations et se lance dans un duo de danse improvisé avec Christine. Beau moment de complicité et de fluidité. Il sera suivi de danses de foulards : Christine et Nelly en duo, Claire, Camille puis Colette, Roselyne sous les regards médusés, attentifs de tous ces hommes non habitués à une telle liberté et admiratifs de la troupe des danseurs indiens.
Cette fois-ci les yeux brillants d'envie, un des danseurs de la troupe ne tient plus. Il cède enfin à l'invitation de Christine, rejoint très vite par quelques autres. François n'est pas de reste... Pour la première fois, il lâche sa caméra pour esquisser des pas de danse et se laisse porter par l'exaltation ambiante... Encore une fois la musique et la danse font des merveilles. Tous deux servent de médiation aux relations humaines. Les pas de danse des uns et des autres sont mimés, le carcan des codes éclatent pour laisser place à une joyeuse exhibition, célébration entre deux cultures si différentes... Célébration d'humanité vivante !
La soirée touche à sa fin...
Même si ce soir « le feu » a eu du mal à prendre, même si la foule oppressante a été difficile à vivre pour une partie des Caravaniers, la simple prestation de cette troupe de danseurs fascinants ainsi que la danse partagée à leurs côtés nous a récompensés et remplis d'émerveillement fasciné et joyeux.
Nous partons vers Pulpally. La descente de la montagne est très belle, mais presque tout le monde est malade dans le bus tellement il y a de virages et de cahots. Kavita, qui est médecin ayurvédique, nous soigne en plaçant sur nos doigts (à des points particuliers d'acupuncture) des graines de fenugrec, tenues par du sparadrap.
Quand nous arrivons, nous faisons une réunion pour distribuer les chambres. La plupart dorment dans des dortoirs, mais cette fois nous avons la chance de dormir dans un bungalow situé en plein milieu d'une plantation de café, en pleine forêt.
Nous partons pour le concert, qui se déroule sur une place de village. C'était oppressant, car il y avait beaucoup de monde (que des hommes, car dans ce pays les femmes restent à la maison) qui poussaient pour s'avancer près du piano. Ils renversaient des chaises. Au début nous avions un ou deux mètres de marge, mais à la fin j'étais assis par terre, avec presque pas de place pour respirer.
Le cottage est super, nous sommes contents de rentrer.
Jenna et Paul