Départ pour Thiruvambady, près de Calicut où nous dormirons ce soir après avoir fait un concert dans une école.
Un petit cadeau avant de partir : nous sommes tous rassemblés à côté des bus, affairés à déposer nos bagages et voilà le cornac qui arrive avec son éléphant... Pour certains Caravaniers, c'est la première fois de leur vie qu'ils voient et touchent un éléphant !
Des Caravaniers, la veille, ont pu le voir au travail et malgré le volume de ce pachyderme à l'apparence pataud, ses actions sont d'une grande précision pour soulever des troncs et les ranger de manière très précise.
Avant d'entamer notre longue route de 6 heures, nous nous arrêtons d'abord au coeur de la forêt pour observer de magnifiques arbres impressionnants par leur envergure qui nous serviront de « pause-récréation ». Au programme, balancelle, barre-fixe, hamac et tournée de bisous...
Puis, grâce à Kavita, nous visitons un village tribal de toute beauté.
Nous descendons des bus pour y arriver à pied.
Quelques enfants nous y attendent sur le bord de la route.
Ils n'ont pas école car c'est jour d'examen.
Nous sommes introduits par Kavita et son ami journaliste et traversons ce petit village merveilleusement intégré à l'orée de la forêt.
Au son de la flûte de Marie, nous suivons la bande d'enfants et entrons religieusement dans cette forêt d'arbres immenses (bambous, banians, bananiers, palmiers, flamboyants, frangipaniers...).
Nous nous sentons émus par ce profond silence, juste agrémenté par le chant harmonieux des oiseaux.
Mais nous sommes aussi très touchés de nous laisser conduire par ces enfants si discrets qu'ils semblent faire corps avec la nature.
Nous arrivons silencieusement à une clairière qui est aussi un lieu de culte.
Nous nous sentons comme dans un temple à ciel ouvert... Splendeur et Majesté.
Nous pénétrons dans cet espace sacré, chargé de l'histoire de ce « peuple racine ».
Nous ramassons quelques fleurs de frangipaniers, au parfum puissant et si délicat.
Comme ces arbres, nous nous tenons là, immobiles, enracinés.
Certains s'adossent longuement à un arbre qui nous sert de refuge, d'ami, de soutien, puisant en lui sa force d'éternité et de silence.
Nous pouvons comprendre soudain ce que peut signifier l'animisme...
Nous prenons un réel plaisir à nous fondre dans la nature.
Être tout simplement là, se rendre présent à la Présence.
Habiter l'immobilité pour demeurer dans l'éternité.
Se nourrir du silence comme d'une musique sacrée.
En ce moment tout semble ordonné et accompli selon l'amour.
C'est avec deux heures de retard que nous arrivons dans cette banlieue de Calicut, sur la côte ouest. Nous avons tous hâte de retrouver la mer... Première d'une série de belles surprises, une fanfare nous attend à l'entrée de la ville et embarque aussitôt Marc sur un véhicule débâché. Lequel, coiffé de la casquette d'un des musiciens, va mener la Caravane en musique à travers les faubourgs de la ville vers un établissement scolaire privé ou nous sommes attendus. Au passage, nous emmenons dans notre sillage de jeunes indiens sur leur moto, à trois au minimum. D'immenses affiches colorées annoncent cette fête et, plus spécifiquement, notre venue : Hearty welcome - Love Caravan - French music team. Et lorsque les véhicules débouchent dans la cour de cet établissement, c'est à nouveau l'ahurissement devant la qualité de l'accueil qui nous est fait ; pour un peu, on peut se laisser aller à imaginer être la troupe d'une star en déplacement, en tournée à l'étranger... Mais, en fait, c'est ça, non !!! Humour ! Nous n' aurons pas la possibilité d'une douche, ni de changer nos vêtements poisseux. Des centaines d'enfants, en uniforme d'école (l'Inde adore l'uniforme), assis sur les gradins d'un forum, nous saluent avec enthousiasme, sagement pour un instant encore. Nous espérons seulement qu'ils ne sont pas restés là, à nous attendre tout ce temps... En longeant une haie formée par les élèves les plus âgés, nous sommes invités par les responsables à nous rendre dans une salle, pour le thé de bienvenue.
Le regard de ces adolescents est franc et authentique, libéré des contraintes que j'ai pu lire maintes fois dans les yeux d'autres enfants, ailleurs, dans divers établissements ou institutions rencontrés. Les sourires et les échanges nous lavent de la fatigue et de la poussière de la route.
Je sens de la retenue dans cette énergie formidable. Des chaises ont été alignées, au millimètre ,devant une scène et une sonorisation surpuissante dont nous aurons à souffrir toute la soirée.
En attendant que les festivités commencent, nous nous mêlons aux enfants. Et c'est aussitôt l'effervescence sympathique, la curiosité et le partage, la magie qui opère comme à chaque rencontre. C'est « What's your name.com » !
La Boarding-school (ce qui signifie internat) Stella Marris nous a invité à ce qui me semble être une fête de fin d' année scolaire, avec la force des discours des politiques locaux, journalistes pour la présentation des invités, les démonstrations des clubs de sport : le roller, avec un professeur qui, visiblement, prend plus de plaisir à faire des arabesques que ses élèves ; celui du taekwondo qui met beaucoup de créativité à nous présenter son art.
Des petites filles exécutent une danse traditionnelle indienne, suivie d'un chant splendide en soliste et d'un morceau d'opérette façon Bollywood.
Et enfin la prestation de la Caravane, attendue. Marc Vella et la French music team sont à l'honneur...
La foule a envahi l'espace et s'est rapprochée de la scène.
Olivia et Marc se succèdent au piano, gênés par la qualité du son. Pas question de silence, c'est la sur-enchère sonore.
Les clowns superbes de couleurs et de talent, emmènent le public vers l'imaginaire de l'enfance, et les adultes aussi écarquillent les yeux.
Un tuba, des bolas d'un bleu lumineux et une flûte accompagnent l'attaque de bisous.
Les adultes résistent un peu, les femmes musulmanes s'enfuient avec un sourire et les enfants s'abandonnent à la ronde, à la farandole et à la danse, dans un rapport « sans filtre » avec nous et la musique.
C'est le débordement et l'organisation explose. Un déluge de notes, de chants ; de la joie dans les regards qui se donnent et se reçoivent.
Sur le coté de la scène, une rangée de coupes attendra encore avant de venir récompenser une performance quelconque ; ce soir, l'important n'est pas de vaincre mais de partager dans l'humilité. Demain, nous apprendrons que ces enfants nous ont laissé leur dortoir et qu'ils ont passé la nuit au pied de leur pupitre, sur une natte.
Que de belles leçons...
Nous partons à Calicut pour donner un concert dans une grande école internationale, la « Stella Maris school ».
Sur la route nous nous arrêtons visiter un village d'une population tribale, près d'une forêt de bambou et de teck, où il y avait des éléphants et des tigres (que nous n'avons pas vus).
Pour atteindre le village, il faut traverser des fossés et des fils électrifiés (pour les animaux sauvages) ; mais heureusement il n'y avait pas de courant ce jour-là.
Les enfants du village nous conduisent vers un lieu sacré, au milieu de la forêt. Nous ne savions pas ce que représentait ce lieu, en plein milieu de bambous et d'arbres arrachés par des éléphants. Nous faisons presque tous silence.
Nous arrivons avec plus de deux heures de retard à Calicut, l'accueil est vraiment impressionnant : fanfare d'élèves sur un pick-up, grandes affiches annonçant un concert d'envergure internationale, … La sonorisation une fois encore est énorme (8000 watts, alors que nous avions demandé 200 watts), chacun cherche ses boules QUIES dans son sac pour éviter la surdité précoce.
Les internes nous laissent leur dortoir, et partent dormir dans leur salle de classe. Les adultes de notre groupe dorment les pieds en-dehors du lit.
Jenna et Paul
« Bientôt un mois que nous sommes partis... L'aventure de la Caravane amoureuse en Inde dépasse tout ce que j'avais imaginé... Villes et villages nous reçoivent magnifiquement, des concerts somptueux dans une abondance de lumière, de fête, feux d’artifices, affiches immenses annonçant l’arrivée de la Love Caravan... Les indiens sont tombés en amour ! Il y a deux semaines j'ai joué devant 5000 personnes pour la fête de Shiva avec la TV... 10 à 20 millions d'indiens ont entendu ce message que vous connaissez... Depuis, c'est la folie... La gentillesse de ces personnes force l'admiration... Alors qu'en France, les gens se surveillent, s'engluent dans des vaines polémiques, parlent sans cesse d'argent, de pénurie, de pause syndicale, ici, ça grouille de vie, et ça fonce... On ne pense pas ici, on agit, immédiatement... Pas de pause, on donne... Un service bouleversant une présence à l'autre, de l'humanité tout simplement... Et tout cela dans une fluidité incroyable. Nous sommes reçus partout.. Nous sommes allés dans des Slums, des villages tribaux dans les montagnes à 2500 m d'altitude, ou perdus dans la jungle, dans des mégapoles telle que Bangalore... Partout on nous donne sans compter, abondance de nourriture, de beauté, de musique de danse... Une jeunesse incroyable, qui danse, joue des instruments, chante... Où en est notre belle jeunesse d'Europe ? Souvent avachie derrière des écrans, du portable à la télé, à l'ordinateur, obésité croissante, tristesse et désespoir... Une pauvreté criante... Certes, tous nos jeunes ne sont pas ainsi, mais comparés à la jeunesse indienne, rien à voir ! Ici les écoles mettent l'accent sur la nature, le sport et l'art... Au sein des établissements scolaires, des zones sont consacrées totalement aux arts, sculptures, danses, tissage, musique... C'est si riche...
Ici, les gens ne cessent de nous sourire... Ils répondent à nos regards et à nos appels de mains... Ce voyage est plus qu'étonnant... Je confirme, les prédictions de nos économistes, c'est certain, l'Inde sera la première puissance économique dans 25 ans... Et nous, nous serons vieux, englués dans peurs et nationalisme archaïque. L'accueil est démesuré... Alors qu'en France, on diabolise l'émigré, on dit aux étrangers dehors, ici, nous sommes invités, reçus.., La dernière école qui nous a reçu, ce fut tellement somptueux... Et les gamins nous ont laissé leur dortoir... Alors que nous dormions dans le lit des enfants, ceux-ci sont allés dormir dans leur classe sur leur bureau... Ici tout est possible... En France, rien n'est possible ou si peu, et on accepte ce triste état de fait, on considère cela normal... Quel mot affreux, normal, il tue le vaste, l'ample, ce qui nous dépasse, il éradique le mystère, il efface la nuance, le subtil, la différence... L'humain est remplacé par de la paperasserie administrative qui fige tout... Plus personne ne veut prendre un quelconque risque... Tout s'étiole, s'éteint... Il y a bien nos petites fêtes, mais elles sont inscrites dans le prévu, l'attendu, avec toujours les mêmes rituels du saucisse frites, de la bière et du coca... Habitude, quand tu nous tiens...
En Inde, il y a toute la place pour l'inattendu, l'incertain... Il y a aussi tellement de diversités, les expressions s'épanouissent dans toutes leurs multiples spécificités... Bien sur il y a la misère, la pollution, la saleté des rues, la puanteur même parfois, mais ça vit. C'est libre enfin...
Voilà mes précieux amis, si le cœur vous dit, allez voir nos photos et commentaires sur le site de la Caravane amoureuse.
Je vous embrasse et malgré cette merveilleuse effervescence, vous me manquez.
Avec tendresse ».
Marc Vella
« Nous sommes guidés en fanfare et quand je dis en fanfare, c'est vraiment cela : une petite camionnette découverte avec les enfants qui jouent ; Marc est avec eux, un collier de jasmin autour du cou, il a l'air aux anges (on le serait à moins).
Les accueils sont toujours beaux en Inde, partout où nous sommes passés nous avons été fêtés mais là, il semble que le Kérala et cette école ont des moyens matériels disponibles et ont mis le paquet : banderoles avec message de bienvenue, des rangées d'enfants qui nous lancent des pétales à la montée des escaliers et les sourires, les rires, l'intérêt qu'ils nous portent.
Quelques garçons, avec lesquels j'ai vite sympathisé, m'emmènent voir leur classe. Début d'un cours improbable : je leur explique que quand j'avais leur âge, au lieu d'écouter les cours, je faisais des dessins. Un dialogue de type « hiéroglyphe » s'installe : par exemple je dessine un soleil et je le marque en français et leur fait dire, à leur tour ils l'écrivent en malayam puis me le font répéter, à chaque fois rigolade garantie. Il semble que pour le malayam comme pour ma langue d'origine, je doive retourner à l'école. Toujours est il que nous passons un joyeux moment ensemble et ne voyons pas le temps passer et, si ce n'était cette charmante femme indienne qui vient nous interrompre pour le traditionnel tchaï, j'y serai encore pour mon plus grand plaisir et je crois bien le leur …
Plusieurs fois au cours de la soirée, nous nous adressons quand nous nous croisons un petit signe amical et un regard complice.
Avant de sortir de la classe, j'ai effacé du tableau mon forfait. Mais la trace dans mon cœur que ces enfants ont laissé, est gravée pour longtemps ».
Evelyne