La famille Moisdon (Katherine, Léa et Vincent), Christine, Jocelyne et sa fille Jenna, Nelly et Samia quittent la Caravane amoureuse. Bienvenue à Laële qui nous rejoint pour quelques jours.
Le jour se lève très tôt pour les quelques Caravaniers qui nous quittent : Vincent, Katherine, Léa, Nelly et Christine embarquent dans le bus à 4h30, c'est le moment pour eux de rentrer en France. « Merci, nandri, l'amour nous lie ».
A la même heure, dans le temple, 300 femmes habillées de blanc sont assises en tailleur. La voix d'une femme s'élève et ouvre l'heure de la prière chantée : « Archana , la récitation des 1000 noms de la mère divine ». Pendant 1h30 ces femmes unissent leurs voix et psalmodient de manière quasi hypnotique.
Vient le moment de la méditation face à l'océan. Une méditation libre. « Bercées par les vagues, nous sommes brutalement ramenées à la réalité par le coassement d'un corbeau ».
Le jour est levé ! A peine 7h30, le soleil promet une journée chaude et humide ; au moins 38 °.
Pour boire un massala chaï avant l'heure d'ouverture du petit déjeuner servi dans l'ashram, nous cherchons le pont qui mène aux guinguettes du village voisin. C'est l'occasion de se perdre à travers les jardins de sable plantés de palmiers qui bordent des maisons colorées. Souriants, les habitants nous indiquent le chemin pour retourner vers l'ashram d'Amma. Ici, un couple sur le perron de sa maison boit un thé. Là, une fillette dans son bel uniforme, sur le chemin de l'école. Tous ont un sourire qui illumine leur visage. Quelquefois, bien qu'intimidés par notre présence inattendue, ils nous saluent en dodelinant doucement la tête...
A 7h45 un cours de yoga réunit une quinzaine de femmes. La « prof. » nous accueille en français. Attentive à se faire comprendre de toutes, elle jongle avec les langues. L'une de nous reste « Je découvre le yoga. C'est une douce gymnastique. Je souris à certaines positions qui font partie des clichés, comme celle debout sur une jambe, un pied enroulé sur le mollet. Je vacille un peu mais m'applique, consciente du privilège que nous accorde l'ashram en nous offrant ce cours. »
L'autre repart. « Il fait tellement chaud que je quitte discrètement la salle pour aller me rafraîchir à la piscine. Et là, surprise, il faut se baigner en portant une robe ! Tant pis, une bonne douche dans ma chambre fera l'affaire ».
Mitra, notre rayonnante Lieutenant d'Amour, nous attend avec une résidente et une « renonçante » pour notre dernier rendez-vous de la matinée ; elles sont toutes bénévoles, au service d'Amma, pour des périodes plus ou moins longues.
Mitra nous propose une visite commentée de l'ashram. Nous la suivons, il est bien doux d'être baigné dans sa lumière.
Pour commencer, une vidéo présente l’œuvre caritative et l'esprit d'Amma : « être amour ». Après la projection, nous nous réunissons en cercle pour échanger, questionner, comprendre. Mitra doit élever la voix pour se faire entendre car dans le temple, des dizaines de bénévoles mettent sous pli les journaux qui seront envoyés dans le monde entier. L'Inde est tellement bruyante !
Peu à peu la démarche d'Amma s'éclaire, illustrée par ses trois mots clés : Amour, Compassion, Service.
Elle œuvre dans de nombreux domaines (intervention d'urgence face aux catastrophes, aide sociale, enfance/éducation, santé...). Elle veille au bien-être matériel et psychologique des bénéficiaires de ses aides, tout en favorisant leur accès à l'autonomie.
Son action est multiple, ça vaut la peine d'aller sur son site pour la découvrir www.embracingtheworld.org.
« Nous nous interrogeons. Comment une femme peut elle soulever... le monde ? C'est donc ça la puissance de l'amour infini ? Comment éveiller cette force en nous ? Qu'est-ce qui nous retient de tout donner ? »
Déjeuner au snack ! Nous profitons encore de cette opportunité occidentale…
Et de nouveau, nous reprenons la route de 14h30 à 19h pour notre arrivée à Trivandrum. Nous sommes hébergés à Nalanda au cœur de Trivandrum dans une institution appelée « Vyloppilly Samskritbi Bhavan » le nom d’un poète disparu. Deux dortoirs se font face équipés de 10 ventilateurs type année 1970, d’un plafond traversé de 12 gaines de ventilation et de 14 fenêtres, la chaleur triomphe malgré tout ce déploiement massif pour y faire face !
Soirée libre… Nous cherchons de quoi nous restaurer… Nous trouverons des restaurants ou certains resteront sur le lieu… Et repos bien mérité pour tous !
Nos jeunes de la Caravane restent à discuter jusque tard dans la nuit avec nos chauffeurs... Mister Elango (Mr E) nous quitte le lendemain...
C'est le jour du départ vers Trivandrum (probablement la plus grande ville du Kerala, près de deux millions d'habitants). Mais encore 4 heures de route !
Les dortoirs ne sont pas luxueux, 1 seul WC/douche pour 20 personnes. Comme il fait très chaud, la plupart d'entre nous choisira de dormir sur les terrasses, dans les tentes moustiquaires.
Le soir, la plupart des Caravaniers se promènent et vont manger dans des restaurants.
Il fait très chaud la nuit.
Paul
« Je marche à travers les ruelles bordées d'épices, de tissus et de bijoux. C'est l'heure où la rue s'éveille.
Un balayeur fait son ouvrage. Je m’arrête. Nos regards se croisent, sourires doux de tout notre être. Les yeux dans les yeux il n'y a plus que nous deux et une infinie tendresse.
Ma chanson monte vers lui, celle des jolis mots de Françoise Hardy : « Beaucoup de mes amis sont venus des nuages, avec soleil et pluie comme simple bagage, ils ont fait leur saison des amitiés sincères, la plus belle saison des quatre de la terre... ».
Sa compagne s'approche, sourit ; on se relie. Je poursuis la chanson de l'âme, pour nous trois : « Ils ont cette douceur des plus beaux paysages et la fidélité des oiseaux de passage, dans leur cœur est gravée une infinie tendresse mais parfois dans leurs yeux se cache la tristesse »
Le grand amour est là. Ce petit moment dans l'instant se grave au fond de mon cœur, au fond de leur cœur aussi je crois ».
Ella
« Il semblerait qu'après les séjours privilégiés dans la communauté de Sadhana Forest (Auroville) et dans l'ashram de Singing Heart (près de Tiruvanamalaï), nous commençions enfin à percevoir la profondeur du voyage à tous les niveaux.
Au niveau de l'alimentation, par exemple, nous prenons rapidement conscience que nous avons été épargnés en ce début de séjour. La digestion devient difficile pour certains à cause des épices très présentes, ou des fritures et produits vendus par les cuisiniers de rue (dans une hygiène souvent assez limite...). Pour d'autres, c'est simplement la grande différence d'aliments que notre corps n'est pas habitué à ingérer qui provoque quelques embêtements (riz et bananes presque à chaque repas).
Humainement, nous sommes bien sûr confrontés aux égos de chacun (y compris au sien), et ce en permanence, ainsi qu'aux diverses petites insatisfactions personnelles de la vie de tous les jours. Mais pourtant, la cohésion se fait, lentement mais sûrement, et la vision de la Caravane amoureuse s'éclaircit. Quelques uns préfèrent même quitter l'aventure, se sentant trop loin de la pensée caravanière ; d'autres la rejoignent, équilibrant l'effectif.
Oui, on commence enfin à percevoir la profondeur du pays et de son peuple.
Déjà à Bangalore, je crois que nous avons saisi des vrais instants de vie indienne, mais encore plus à Mysore :
Véritable partage de bonheur, ou au moins d'étonnement et d'interpellation chez des gens de « caste inférieure » avec nos interventions-concerts (déambulation dans les rues, concert dans un bidonville).
Eh oui, c'est comme ça que l'on dit, le plus souvent sans gêne, puisque c'est ainsi … « castes » !
Certains même, comme les intouchables (ou Harijans : enfants de Dieu), sont classés « hors-caste », en-dessous des autres.
Nos sept conducteurs de bus, par exemple, sont de castes plutôt élevées. L'un d'eux est même brâhmane (c'est la caste la plus élevée : celle des prêtres, unique caste qui peuvent entretenir les temples).
Ils sont généralement très sympathiques avec les Caravaniers (« Tiru is a driver, always in good mood ! » chanson dixit. Yuval). Cependant ils ne partageront pas leur bouteille du soir avec le conducteur du pick-up (qui transporte piano et valises), qui lui est d'une caste bien plus basse et passera donc seul ses soirées (il ne porte pas non plus la même chemise que ses collègues !).
Voilà, c'est une réalité.
Bien présente !
Mais, avec un foyer d'amour comme nous, des choses se passent, pour ceux qui savent voir :
L'autre fois, près de Mysore, nous donnions un concert dans une école, refuge des enfants des rues. D'autres enfants, extérieurs au foyer, vinrent librement se joindre au public en plein concert, guidés par les adultes.
Les conducteurs, près des bus, préférèrent garder du recul sur l'agitation et observer de la rue.
En fin de concert, dans cette ambiance vraiment saine, détendue, presque festive, le conducteur du pick-up franchit le seuil de l'école !!!
Il vint nous rejoindre, intrigué et intéressé par les enfants s'essayant à la musique, et sûrement par tout ce partage musical, humain, amoureux …
Les conducteurs de bus s'approchèrent aussi, mais sans oser dépasser la grille de l'école.
Cela fut assez long, mais finalement, deux ou trois des conducteurs des bus vinrent s'essayer à leur tour à la pratique du piano, sous les conseils attentionnés de Marc.
Lorsque le chauffeur du pick-up, après le piano, se sentit attiré par le tuba, il s'approcha de moi pour souffler quelques notes et prit beaucoup de plaisir à découvrir cette nouvelle sensation.
C'est alors que l'un des conducteurs à la chemise blanche s’approcha, lui aussi intrigué.
Je fis alors essayer quelques enfants qui attendaient patiemment entre les deux « différents » chauffeurs, tout en gardant un œil sur ce qu'il se passait…
Le chauffeur à la chemise blanche vint alors, très discrètement, s'adresser à celui à la chemise marron pour lui demander conseil et ainsi préparer son essai musical ! … Et c'est avec beaucoup de fierté et d’enthousiasme que l'homme mima comment faire vibrer ses lèvres et souffler dans l'instrument.
Il se passa réellement quelque chose, car chacun semblait finalement heureux de pouvoir inverser pendant ce court instant un processus vieux de milliers d'années, et se placer humblement dans un besoin d'échange.
Juste un moment, juste un court instant, quelques minutes à capter...
L'humanité est là, présente en chacun des hommes.
Malheureusement, on a déjà vu des enfants refuser de se tenir la main entre caste différentes, comme à notre première expérience de concert-rencontre dans une école indienne…
Alors que penser ?
De notre vision occidentale, peut-être ne peut-on tout simplement pas juger ce phénomène indien transgénérationnel qui remonte à tant d'années.
Mais tout de même, ces enfants sont l'Inde de demain …
Oui !
Les choses peuvent réellement bouger ».
Joaquim