Aujourd'hui, Alina et Maryse quittent la Caravane amoureuse.
Nous laissons notre petit coin de paradis... Après cet intermède nécessaire pour recharger nos belles énergies, nous voilà repartis pour de nouvelles aventures...
Il fait encore nuit quand les Caravaniers se retrouvent devant les « guest house » pour charger les bagages. Départ à l'aube, nous quittons Varkala direction Kanyakumari, la pointe extrême de l'Inde du Sud. Le mot d'ordre a été donné : 5 heures et demi les valises doivent être chargées dans le camion qui transporte le piano. Départ à 6 heures. Nous sommes attendus dans une école d'enfants aveugles à Kanyakumari vers 10 heures 30. La chaleur est toujours au rendez-vous, une chaleur humide... mais nos coeurs restent vaillants...
Sur la route, nous ferons une halte pour récupérer notre Monique...
Le groupe tient à exprimer sa profonde gratitude à un être hors du commun : Monique, Caravanière, qui vient d'accompagner Hervé, fatigué par le voyage et la chaleur et désireux de rentrer en France. Elle a fait un aller retour Inde - France - Inde comme on va chercher le pain le matin, simplement. Elle nous revient souriante et rapporte le mot qui a guidé tout son voyage : la confiance. Il s'agit de la grande confiance, pas celle de croire qu'une solution quelconque arrivera mais la confiance que la meilleure des solutions arrive.
Monique nous montre le chemin de l'amour, la voie de la simplicité. Monique c'est la bonté même. Elle est juste et vraie, toujours présente dans l'amour, disponible pour chaque Caravanier, toujours prête à écouter et à rendre service sans jamais attendre une once de reconnaissance, elle est le don de soi par excellence. Une Amma en puissance... Un immense merci…
Nous arrivons dans ce pensionnat pour enfants déficients visuels et aveugles. Le concert aura lieu à la « chapel » comme inscrit à son fronton. A l'intérieur, quelques bancs, une vitrine où se côtoient étrangement des peluches et des coupes et l'inscription murale de tous les donateurs de l'école.
L'école C.S.I. - Church of South India - School for the blind, dirigée par Monsieur Rajaya, accueille 85 élèves, garçons et filles, de 5 à 18 ans. Il y a douze enseignants, dont un seul homme, qui viennent tous les jours au pensionnat de 9h à 20h.
Les jeunes étudient la méthode braille, les sciences sociales, le tamoul, l'anglais, et les maths.
Les enfants en uniforme arrivent par petits groupes en se donnant la main. Le premier enfant de chaque groupe, mal voyant, sert de guide aux plus petits et aux aveugles.
D'autres enfants sont déjà assis sagement sur les bancs et patientent. Nous allons les saluer, ils sont intimidés mais réceptifs et rapidement, les sourires fleurissent sur leurs jolis visages. Ils parlent suffisamment anglais pour que nous échangions quelques mots.
A la première note d'un jeune pianiste de 12 ans, tous les enfants s'élancent dans un chant joyeux rythmé par des claps syncopés et vigoureux. C'est émouvant.
Trois adolescents se mettent en place, un percussionniste, un clavier, et un chanteur. Celui-ci a une belle voix de ténor et il fait des « vibes » - des trémolos – indiens. La chanson est de celles qui donnent envie de danser. Elle est joyeuse, indienne et actuelle.
Puis Marc s'installe au piano, et malgré son poignet bandé, joue avec les variacordes. Le jeune ténor qui vient de chanter s'agite sur son banc ; il a très envie de rejoindre Marc pour improviser au chant. Enfin il ose, se lève et prend le micro. L'harmonie se tisse, simplement, entre la voix et le piano.
Ensuite, une petite fille vient au micro et chante à la façon indienne en voix de tête.
Les enfants sont de plus en plus audacieux, tout le monde a envie de participer. Paul, le plus jeune des Caravaniers, se jette à l'eau et se lance dans une improvisation au piano.
Puis, Olivia lui succède et nous emporte dans sa douceur. Quelques Caravaniers accompagnent les enfants près du piano, les timidités sont balayées et laissent place à la joie.
La musique a fait son œuvre.
« 27 Mars 2013, 17 heures... Le piano est posé sur la pointe sud de l'Inde... C'est un grand moment encore que celui que nous sommes en train de vivre... Kanyakumari, haut-lieu sacré de l'Inde, lieu mythique, le point le plus septentrional du sous-continent indien dans lequel se mélangent trois mers : la mer du Golfe du Bengale, la mer d'Arabie et l'océan Indien... Lieu chargé, car c'est aussi là qu'une partie des cendres de Gandhi furent éparpillées... A cet endroit nous avons la mer sur 360°. Nous pouvons voir le soleil se lever et se coucher au-dessus des vagues...
Etonnant panorama qui nous donne le sentiment d'arriver au bout d'un monde. Nous pourrions imaginer que dans ce haut-lieu sacré l'on demande le silence, le recueillement, nécessitant barrières et gardiens, panneaux d'interdictions et consignes de sécurité... Rien de tout cela... Une foule incroyablement colorée déambule sur cette jetée improbable. Dans l'eau, à 100 m du bord, des rochers forment une sorte de petit lagon naturel. Des centaines de gens s'y baignent habillés ou en simple marcel avec un caleçon... Habillé dans l'eau, leur sari collant à la peau, le corps des femmes devient encore plus énigmatique. Un homme au bord de la vieillesse joue dans l'eau, avec son panier, il collecte cailloux et coquillages... Tout le monde se regarde et s'accueille avec bienveillance. Personne ne s'occupe de personne et pourtant on sent la présence humaine dans son intensité la plus grande... Oui, les gens sont là, présents à eux-mêmes enfin... Tout cela semble bon enfant, les gens se poussent, se jettent du sable, soufflent dans des cornes faisant un bruit affreux... Sur ce bout du bout, des centaines de petits vendeurs nous haranguent gentiment, vendeurs de lunettes de soleil, de barbe à papa emballée, fripiers, glaciers, limonadiers, vendeurs d'eau, noix de coco fraîche, mangues pas mûres au piment et sel, galettes, maïs grillés, etc.... Ça grouille de vie, ça pulse... Des nains proposent des cartes postales, des bouts de choses, barrettes pour cheveux, petit Ganesh, pour quelques roupies... Soudain, au milieu de cette foule joyeuse, des Sadhus passent couverts de poudre blanche, les cheveux tressés par la saleté et l'oubli... L'un des Sadhus a un téléphone portable... Ça fait tout drôle ce contraste… Des moines passent au milieu des mendiants, qui, quémandent sans harceler, tentant de les séduire par leur sourire et leur regard joueur...
Ce lieu sacré est envahi de bruits, de rires, de jeux... Adultes et enfants se retrouvent là où se mélangent les trois eaux, tous pour se purifier, mais tous, le font à leur manière... Librement, ils s'amusent, crient leur joie et dansent... Quand le profane se mêle au sacré, quel bonheur absolu... En fait, j'en suis intimement convaincu maintenant, le sacré n'attend que cela, il veut du rire, de la joie, il veut de la vie... Quelle folie d'avoir enlevé l'humain avec toute sa spontanéité dans tant de lieux sacrés qui sentent l'ennui, la mort, la tristesse... Le recueillement est une affaire d'intériorité individuelle qui ne peut et ne doit pas s'imposer à tous... Il existe hélas des pays ou l'on tolère de moins en moins l'humain... Notre humanité fait peur... Beaucoup de ceux que je croise sur cette jetée de Kanyakumari, si nous étions en France, seraient soit en prison soit internés... Le normal, l'ordre sécuritaire, a pris une telle importance par chez nous... C'est devenu l'une des priorités politique... Et pourtant... Je me sens plus à l'aise à marcher ici dans cette cour des miracles que dans certaines banlieues de grandes villes... Oui, sur ce petit point du monde, la joie se donne de toutes les façons... Sur la gauche, dans le lagon, il y a un rocher tout rond qui fait penser à un vieil éléphant endormi... Il est facile à atteindre et sur son sommet, je vois un homme assis en lotus, certainement en train de méditer... Sa prière s'exprime ainsi, d'autres prient autrement voilà tout.
Le gouverneur du Tamil Nadu et quelques huiles locales sont là avec nous... L'enthousiasme est si fort dans la foule, que les élus ont du mal à dissimuler leur joie... Ils sont fiers d'avoir autorisé cet évènement insolite... Les Caravanières dansent et des indiens les rejoignent... Immédiatement, cela déclenche une joie incroyable qui se répand dans toute la foule qui nous environne... Une naine, vendeuse de barrettes pour cheveux, dépose son panier dans lequel il y a tout son stock et rejoint les danseurs... Elle capte mon regard et s'unit à ma musique... Sa danse est magnétique, elle me prend, et malgré ma blessure au poignet, je romps les amarres, et me laisse emporter par sa diablerie lumineuse.... Alors qu'à l'Ouest, le soleil disparait à l'horizon, au loin, à l'Est, une pleine lune presque rouge perfore le ciel qui est en train de s'éteindre. Elle apparait au dessus d'un palais digne des mille et une nuit construit sur un îlot situé à 800 mètres de la côte. L'instant est magique, unique, incroyablement unique.
Il fait nuit maintenant, les vendeurs disparaissent, les stands se ferment les uns après les autres... La foule se dilue dans l'ombre... Bientôt, il ne reste plus qu'une trentaine de Caravaniers, nos chauffeurs et un piano à queue. Le gouverneur est encore là avec son fils et un responsable. Nous leur demandons s'il est possible de refaire cela au lever du soleil. Son oui est si fort, comme un enfant à qui l'on viendrait d'offrir le jouet de ses rêves. Cela sous entend de se lever à 4h30... Le responsable politique, spontanément nous dit : "Je serais là à 5h15 à votre hôtel... Soyez prêts !".
Une fois de plus, je ne mange pas ce soir. Fatigué et bouleversé par toute cette intensité, je monte directement à ma chambre, me déshabille complètement et m'allonge tel quel sur mon lit coiffé d'un ventilateur plus qu'indispensable. Je m'endors ainsi sans me poser aucune question, vêtu d'une confiance absolue en ce lendemain incroyable qui se dessine... Je passe une nuit parfaite... Soudain, mon oeil s'ouvre, je me redresse, j'ouvre mon ordi pour consulter l'heure : 4h30... Tout est juste.
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Réveil à 4h30 pour partir vers Kanyakoumari. Nous faisons du bus presque toute la journée. Quand nous arrivons, on pose les bagages à l'hôtel.
Après,on va à la pointe de l'Inde. il y a des marchands partout qui veulent vendre des vêtements, des coquillages ou des colliers. Il y a aussi des mangues au piment (fort). J'achète une noix de coco avant que le concert commence.
Pendant le concert (qui est au moment du soleil couchant) les indiens sont si proches du piano que nous ne voyons plus rien !
Le soir, nous sommes très contents de pouvoir s'endormir doucement.
Paul
« Kanyakumari, l’aube.
Cap Comorin, en français, ville sainte qui se situe à la pointe sud du continent Indien.
Lieu de pèlerinage, elle abrite un temple dédié à Kanya Devi qui rend hallucinante, en fonction du calendrier religieux , la déambulation dans les ruelles de cette ville ; ces adorateurs fervents sont de noir vêtus, un bandeau barre leur front ; ils accentuent la noirceur de leur regard , déjà farouche, par un trait épais de khôl.
La démonstration de leur Foi est très spectaculaire, dans un rapport constant avec le feu. Ambiance… Recueil et gravité.
Mais ce matin, point de religion pour ce groupe de français qui descend vers le rivage, vers ce confluent des eaux de deux mers et d’un océan qui entourent l ‘Inde.
Il est cinq heures, Kanyakumari s’éveille,
Il est cinq heures, je n’ai pas sommeil…
Le piano est déjà arrivé, sur son carrosse.
Rapidement installé sur un terre-plein qui domine la mer, avec l’aide d’amis Indiens ravis de pouvoir nous aider, la musique se répand sans attendre.
Déjà des dizaines de pèlerins (et sans doute quelques touristes religieux) sont assis au bord de l’eau, parfois dedans .
Face à la mer, j’essaye d’accueillir paisiblement ces vagues de sons, la rumeur de cette foule, ces notes tellement pures et le ressac infatigable qui vient baigner ces jeunes Indiens.
Juste se laisser imprégner…
Difficile d’être dans la méditation, tout de même.
Le ciel se colore d’orange et une barre de nuages retient encore l’astre.
La lune pleine tarde à laisser la place et s’accroche à son sillage d’argent.
Mais ce matin encore, comme tant d’autres aurores, le soleil l’éconduit du premier de ses rayons.
Les notes accompagnent la montée progressive de la lumière.
Les clameurs qui accompagnent le retour du soleil s’éteignent peu à peu et l’attention se fixe plus nettement vers Marc, le piano et les Caravaniers.
Une autre chaleur…
Le concert se développe, prend de l’amplitude au milieu d’une foule toujours plus dense.
Quise presse, encercle, essaie de s’approprier une part de cette fête.
Qui se donne généreusement et s’enrichit en même temps, inépuisable.
Encore un endroit magique et une rencontre inoubliable, une relation d’amour sans corps, sans sexe avec un lieu et un peuple.
Un moment isolé, mon regard se pose sur le piano qui se déplace, seulement porté par quelques dizaines de jambes car je ne peux voir les bustes de là ou je suis.
Une belle vision du piano-voyageur… Un piano à mille pattes ?
Il est 9 heures et Kanyakumari est éveillé,
Il est 9 heures et je n’ai toujours pas sommeil.
Un petit solo de flûte… ».
Jean-François