Aujourd'hui, Anne, Manon er Sophie rejoignent la Caravane amoureuse après avoir participé à la fête des couleurs à Cochin.
Nous sommes hébergés dans un hôtel à 7 km de la ville de Maduraï. Lever à 9 heures.
Ce matin, pendant qu'une partie de la Caravane visite le temple de Maduraï, une quinzaine de Caravaniers se rend à la maison de retraite « Akash âge care home » accueillant une vingtaine de personnes âgées, majoritairement des femmes.
Cette maison appartient, au réseau d'action « Madurai charitable trust » qui est une association non lucrative basée sur les valeurs humaines et destinée aux personnes démunies du sud de l'Inde.
Ramesh, le chauffeur du bus numéro 1, son fils et son neveu nous accompagnent. Un nouveau chauffeur a été mobilisé pour la journée, pendant que Surish, du bus numéro 4, profite de sa famille. Nos chauffeurs sont de Maduraï et ils ont bien mérité un repos après ces cinq semaines « non stop » loin de leur famille pour rester au service de la Caravane amoureuse.
Le lieu où nous sommes attendus est très tranquille, quelques personnes nous accueillent, avec un « chaï », sur le perron où nous mettons le piano à l'ombre, au pied des marches de l'oratoire de la maisonnée. Peu d'hommes pour l'installer mais qu'importe, l'union fait la force et en s'y mettant tous ensemble, le piano atterrit sans problème.
Pendant que quelques uns font les présentations et signent le livre d'or de la maison, d'autres vont rencontrer discrètement les personnes dans la maisonnée.
Ici, une dans le couloir, l'autre, dans sa chambre, d'autres encore assises par terre dans la cuisine en train d'éplucher des légumes.
Deux ou trois femmes aux yeux profonds et lumineux, dont une, particulièrement malicieuse, établissent aussitôt avec Soizic une belle complicité, devinant sans doute leur lien, celui de deux âmes de clown.
Chaque personne est très touchante dans sa lenteur, sa simplicité de contact et son accueil et semble heureuse dans ce lieu qui ressemble plus à une petite communauté familiale qu'à une maison de retraite.
Nous ressentons le même dépouillement, la même authenticité qu'à notre belle rencontre avec les handicapés de l'Arche de Jean Vanier à Bangaluru. Nous apprécions de rejoindre leur rythme et de les approcher sans précipitation ; nous avons le temps, le concert débutera après les tâches ménagères auxquelles les personnes âgées participent.
Les résidents sont d'emblée communicatifs, voire chaleureux. Nous nous serrons les mains, nous enlaçons, prenons des photos sur les marches du perron à l'entrée de « l'oratoire » où ils se réunissent pour la prière hindoue trois fois par jour.
Marc et Olivia se relaient au piano et laissent assez vite des personnes s'installer spontanément à côté d'eux pour improviser.
Marie-Claude se lance avec une grande légèreté dans une danse provoquant un jeu de complicité avec son foulard qui a tôt fait de séduire une des femmes. Cela finit même en corde à sauter !
Du coup, une femme puis deux puis trois rentrent dans le mouvement délicat, suave et léger des jeux de foulards ondulant de l'un à l'autre entre les Caravaniers et les personnes âgées assises pèle-mêle sur le perron.
Puis, le concert de piano terminé, nous nous levons et nous tournons vers le cœur du temple pour un temps de méditation.
Nous écoutons des mélodies hindous et les femmes chantent par cœur les paroles, empreintes de ces temps quotidiens de prière. Nous nous associons à ces chants lancinants joyeux et apaisants, dans un balancement partagé des corps jusqu'à ce que retentisse la cloche annonçant « la pudja ».
Ce temps d'action de grâce est animé par le prêtre hindou du temple.
Nous nous laissons envahir par ces sonorités aigües, ces tintements continus de cloches mêlés à un fond de mélodie qui nous enveloppe et nous fait entrer dans une communion universelle dépassant l'espace et le temps.
Puis d'un seul coup, nous sommes plongés dans un profond silence qui laisse résonner toute la densité de cette mélodie.
Pendant tout ce temps, le prêtre nous fait participer au rituel : il commence par allumer une mèche trempée dans l'huile qui laisse échapper une fumée dont chaque personne de l'assemblée est invitée à s'envelopper.
Puis il allume de l'encens, nourrit les dieux.
Au milieu du rituel, le rideau tombe comme pour préserver un moment le mystère sacré du saint des saints.
Le silence revenu, nous déambulons tout autour de l'autel et nous recevons du prêtre, dans nos mains, une huile dont j'ignore la signification. Est-ce comme pour les chrétiens, une onction de force ?
Puis, imitant les gestes des indiens, nous honorons une stèle en or où est gravée l'empreinte de pieds des dieux et posons notre visage dans nos mains.
Enfin c'est le temps de recevoir les cendres que nous mettons sur notre front et nos bras.
Le prêtre nous coiffe d'une coupole dorée comme une bénédiction.
Une fois le rituel terminé nous sortons du temple, et nous sommes invités à manger un peu de riz très goûteux sur une petite feuille de bananier.
Le temps émouvant des adieux est arrivé.
Nous nous échangeons longuement regards profonds, câlins, bisous, accolades, cherchant le geste juste à partager avec chacun.
Pour beaucoup les larmes viennent dans ces échanges silencieux et pourtant si chargés de tendresse et de fraternité. Nous réalisons combien le véritable temple de l'Esprit, c'est l'Homme.
C'est donc sur un « ôm » commun que nous nous séparons, sûrs que désormais nous sommes par ce cœur à coeur reliés à ces personnes au-delà du visible.
Déjeuner dans un restaurant au coeur de Maduraï. Après-midi et soirée libres.
C'est l'occasion pour certains Caravaniers de visiter le temple aux mille colonnes.
La matinée est libre. Je fait une grasse matinée.
L'après-midi, on visite un temple. Malheureusement, il est fermé. On peut quand même visiter l'extérieur ou le musée.
Dans le musée, il y a des statues, des maquettes, des chariots, des peintures...
Mais nous n'avions pas le droit d'amener les appareils photos ou les caméras.
Le sol, à l'extérieur, est très chaud, nous nous brûlons les pieds. Nous nous baladons dans la ville.
Nous passons entre les vaches, les voitures, les motos pour traverser la rue.
Le soir, on s'endort facilement.
Paul