Dès que l’on parle de la mer, on parle de sa mère : Voici ce que cette promenade sur ce bateau de pêche a éveillé en moi. Je me suis retrouvé, il y a maintenant plus de 60 ans, sur le sardinier de la Turbale, en Bretagne, où le patron, Monsieur Famechon, m’avait invité pour partir à 4h du matin à la pêche à la sardine. Sur le lieu de pêche, nous avions jeté les barques à l’eau, le filet droit à fines mailles, le tonneau de rogue (les œufs de morue). Et à la force de nos bras, le canot défila le filet de pêche. Le patron pêcheur avait eu l’œil avisé car une heure plus tard nous remontions le filet frétillant de sardines argentées et bleutées.
C’était du temps où Ibrahim en avait déjà fait son métier et où il gagnait l’archipel de la Galite à 55 miles de Bizerte, 14h de cabotage, pour pêcher la langouste. Cette île, la terre extrême au nord de l’Afrique encore bien boisée, riche d’une flore et d’une faune marine grouillante et propice à la vie locale. Ibrahim regrette ce temps et déplore aujourd’hui, les ravages des méthodes modernes de pêche où l’on oublie d’assurer la pérennité de nos enfants. Pourtant, il ne perd pas espoir, puisque son petit bateau de pêche de 6m de long est un petit bijou aux couleurs éclatantes qu’il a baptisé Faouzi , le prénom de son dernier petit fils …
Dès que l’on parle de la mer, on parle aussi de son père, le mien que j’avais qualifié au seuil de son grand passage « de la race de ceux qui s’en vont sur la mer ». Le port de Bizerte est vaste, port de pêche, port de commerce, port industrieux avec sa raffinerie, ses grues de déchargement pour les tankers, les minéraliers. Port en pleine transformation protégé d’un brise lames et de quelques jetées où une grande plage sablonneuse a disparu au profit d’une ‘marine’. « le Dragon » comme l’appelle l’Association de sauvegarde du vieux port, qui se bat pour préserver les petits bateaux de pêche, les gagnes petits , ceux qui veulent entretenir la mémoire des felouques, de la criée, du marché aux poissons comme en témoignent les photos couleur sépia du musée aquarium que nous avons visité , gardien lui aussi des traditions, du souvenir .
Ah Ibrahim, Toi qui possèdes tout cet héritage, ne te désespère pas, poursuis avec obstination ton souci du respect de la Vie ! Certes, ce n’est pas simple et même déroutant quand mon regard embrasse cette immense bâtiment de béton armé, face au fort de la Médina d’où émergent quelques vieux fûts de canons : dualité d’hier et d’aujourd’hui, où hélas, la lutte, le combat des pouvoirs, s’affrontent. Ne pourrions-nous pas imaginer un monde plus sobre dans ses projets, plus humain dans son idéal ?
Un monde, que la Caravane voudrait dessiner avec vous, beau peuple Tunisien, né d’un métissage si divers, si riche, si ancien puisque 5 000 ans nous séparent de l’arrivée sur cette terre des Phéniciens, à la charnière de l’Orient et de l’Occident.
A peine une journée de partage et de découverte et combien de petits moments illustrant cette Paix et cet Amour que nous voudrions partager !
Deux amoureux, la pluie nous saluant, blottis l’un contre l’autre assis sur un banc, le parapluie ouvert : ‘un p’tit coin de parapluie, contre un p’tit coin de paradis….’
Ramzi et Yasmine se retrouvant 10 ans après la classe du Bac, elle est brodeuse, patiente dans son art, lui est créateur d’une Assurance islamique. Ils vont se revoir dès demain …
Au détour de ma méditation quelque peu nostalgique, je prenais le chemin de l’interrogation, quand, soudain, surgit à tribord une armada de petits voiliers : ce sont des Optimist… Ah ! la grâce des coïncidences.
Claude
Après la visite des ruelles enchevêtrées de la Médina où regne un grand calme en ce dimanche matin, nous sommes attendus à la foire des produits et confections artisanales de la région.
J'y fait la connaissance de FtimaBasmaAmira, styliste Bizertine qui revisite les habits traditionnels tunisiens avec audace puisqu'elle crée des vêtements unisexes, donc économiques !
L'idée à éclos en 1981, tandis qu'elle attendait son premier enfant.
Ne trouvant pas de vêtements confortables, elle avait emprunté la Djeba de son père avant de l'adopter définitivement et d'en faire sa source principale de son inspiration. Ses créations de soie sont des trésors de confort, cousus mains et brodés avec une précision d'orfèvre par un artisan de la ville.
Sa dernière création (photo) se nome la "Djeba J'm'en fou!".
Également consciente de l'impact écologique de l'industrie du textile, les souliers qu'elle créé sont conçus dans des matériaux biologiques.
Mélanie
Après le délicieux repas du midi en bordure des quais du vieux port où les bateaux colorés semblent hausser leurs bordées en se demandant qui sont ces caravaniers. Ils déambulent de la Casbah à la Medina et maintenant s’acheminent vers l’exposition des métiers artisanaux : tout le savoir-faire, l’imagination et l’art d’entretenir les métiers que ce que l’on appelle « progrès » détruit graduellement. Combien d’heures de travail pour la décoration de broderie des robes aux coupes si seyantes ou pour clarifier l’argile, la tamiser, la modeler à la main et réaliser un bol, une assiette cuite dans un four entre le bois et la bouse de vache à 980°c , puis c’est la décoration avec le charbon de bois et une plante cueillie dans la campagne locale.
Au revoir les artisans et direction vers une église reconvertie en lieu d’exposition culturelle depuis 20 ans, faute de présence de prêtres … quel est mon étonnement quand une haie de jeunes femmes, semble-t-il des « miss » locales, m’accueillent souriantes et belles à souhait. Je gravis les marches et découvre des peintures de jeunes talents. Le lieu est de construction récente, béton, vitraux de couleur, une élégance des voûtes.
Au sortir de l’église, je tombe sur un attroupement organisé s’installant sur les degrés des marches pour une photo souvenir, le drapeau palestinien déployé dans le cadre de « l’Année internationale de solidarité avec le Peuple palestinien ». Les Miss sont aux premières loges. Puis cette troupe s’engage dans la rue et nous invite à nous associer à cette marche. Que faire, s’y joindre ou prendre du recul ? Je ne suis pas préparé à un tel événement d’autant que je ne sais rien de ce thème. Je suis venu en Tunisie pour porter mon désir de Paix pour Tous, la caravane peut-elle devenir partisane, comment les médias vont-elles traduire notre présence ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête, mes pas s’y associent en me retirant de la troupe… Je suis de cœur avec la grande diaspora des Palestiniens, leurs conditions de vie discriminatoires en Terre d’Israël, leur désir d’être véritablement reconnus dans leur dignité de femmes et d’hommes, tout à l’heure je vais saluer l’Ambassadeur « Extraordinaire et Plénipotentiaire » qui me rappelle que Yasser Arafat résida longtemps en cette terre d’asile que fut la Tunisie et que sa mission est avant tout la recherche d’une Paix pour Tous.
Cependant au fil de cette soirée nous réunissant au vieux port et où une foule importante nous attend, retenue par des barrières, pour nous ménager un espace réservé comme les nombreuses personnalités invitées, je perçois un service de sécurité et ces enfants portant le drapeau palestinien poussés par les adultes… Comment discerner le juste, comment être proche et prudent à la fois ?
En témoignant par l’écrit de mes interrogations je voudrais souligner la difficulté de notre monde, de l’humanité douloureuse et parfois hégémonique, de nos ambiguïtés, du poids du mot « Paix » et de quelle manière je le porte, je l’utilise. Etre passeur vigilant et souligner la force des gestes d’amour, de délicatesse comme le souci de Madame le Gouverneur visitant Annie qui s’est facturée le bras, à la clinique où elle a été opérée et où tant de personnes ont pris soin d’elle.
Je n’oublierai pas le concert où Cathy de ses doigts virtuoses a répandu la Paix du Cœur en nous invitant à nous pacifier intérieurement avant d’entrer dans la danse du monde, souvent frénétique et bruyante comme ces groupes de musique dans l’élan de jeunesse criant leur soif de justice et de liberté .
Est-il nécessaire de forcer le trait pour se faire entendre ? Jeunes votre mélodie est belle, votre cœur est vaste, laissez nous entendre toutes les nuances de vos émotions alors vraiment nous pourrons pleurer et recueillir vos larmes !
Claude
Ça y est !! Nous avons accosté, la douane est passée avec facilité ! Quelle chance ! Quand on voit toutes ces voitures aux toits où les objets s’entassent dans un équilibre époustouflant, et à leurs conducteurs contraints à tout déballer !
Après un accueil chaleureux par Soizic et Walid, les derniers kilomètres qui nous conduisent à Bizerte sont vite avalés…et soudain, au détour d’une rue, j’aperçois Monique suivie de tous les caravaniers ! Quelle synchronisation que nous n’aurions probablement pas réussi si nous nous étions donné rendez-vous ! Nous profitons pleinement de ce privilège d’arriver en dernier et d’être accueillis chaleureusement par tout le reste du groupe. Emouvant et impressionnant, surtout pour les enfants, avec la fatigue de ce périple de plusieurs jours, cela nous semble surréaliste. Ces embrassades rayonnantes d’amour nous rechargent et nous serons vite mis dans le bain. Et nous retrouvons enfin Cathy, magnifique, émue de retrouver ces enfants juste avant ce premier concert, très protocolaire. Le début du concert est assourdissant, la musique bizertine nous accueille avec une sono probablement réglée pour attirer toute la ville. Puis, Isabelle, Monique et Cathy font passer le message de la caravane amoureuse, prolongé par toute la douceur et la force qui émanent de la musique de Cathy, qui accompagne plus tard la projection du film ‘’le clavier joie’’. Marc, présent dans le cœur de chaque caravanier, est ainsi un peu plus avec nous, en images. Les officiels présents sont touchés…si aujourd’hui, des barrières protègent le lieu du concert, celles des cœurs et des cultures commencent doucement à tomber. Danses et joie font partie de la soirée, qui se termine à 21h, juste avant l’appel à la prière qui rythme la journée.
Nous arrivons tardivement à l’hôtel pour le dîner et une nuit encore emplie de toutes ces sonorités et résonnances de cœur à cœur.