Matmata, la région des troglodytes, ces maisons creusées dans le calcaire où l’on trouve la fraicheur l’été et une bonne chaleur l’hiver. Durant deux jours, nous allons découvrir cette région montagneuse, au sol sec et pierreux heureusement riche en nappes phréatiques, car, bien plus importantes que le pétrole et ses excès cupides et spéculatifs, l’eau est là sous terre.
Nous partons pour Toujane, un petit village qui s’agrippe dans la pente rocailleuse de la montagne. Les maisons se terrent, les ruelles, les portes entrouvertes, un enfant ou deux apparait, curieux, un peu craintif mais si la Maman dans un sourire discret se montre, les enfants s’encouragent et leur regard s’éclaire, la pupille devient plus vive et leurs petites dents blanches contrastent avec leur peau brune. Invitation de la Maman à visiter la maison. On entre dans une cour, deux figuiers apportent ombre et fraîcheur, une femme est assise à terre sur un tapis, sans doute la grand-mère des enfants, dans une grande salle trois métiers à tisser. Une femme est au travail. Cinq femmes dans cette courette mais où sont passés les hommes ? Dehors dans la rue, à tenir le magasin qui offre les tapis fabriqués par les femmes ? Nous avions précisé trois minutes de visite sinon j’en suis sûr, nous aurions eu droit au thé, au thé de la bienvenue, de l’amitié.
Nous retrouvons le groupe chez Touati, homme au teint buriné, cheveux très brun, au physique enchanteur et pourtant pas marié. Il confiera son désir de porter sa famille, regrettant de n’avoir pas fait d’études et semble-t-il animé du besoin de donner pleine vie à son village. Il y a sur ce site au moins une cinquantaine de chambres d’hôtes, tous coopérants pour accueillir les touristes. Ressource essentielle au travers du gîte, de la vente des tapis, d’huile d’olive et de miel. Les chambres sont simples et confortables, fraîches au torchis de chaux. Quel éclat au soleil sur un ciel bleu !
Les tapis sont étalés et la vente sera fructueuse. Pas d’intermédiaires, on ne discute pas le prix. La beauté s’impose un point c’est tout !
Les enfants ont déjà pianoté avec Cathy. Dans le silence du village, une source diamantée, un ruissellement de caresses, gratitude de la douceur.
Nous irons manger à trente minutes de marche du village, dans une clairière sous les oliviers. Une brise nous rafraîchi, le jeu souple des branches d’olivier, un beau symbole pour une atmosphère de paix.
Retour vers le village, au détour du chemin un petit détachement de militaire est là, tranquille mais pour la première fois avec des armes apparentes. Nous allons vers eux pour les saluer et les remercier. Ils veillent sur nous, on ne sait jamais !
Une petite anecdote : déjà les policiers en civil, donc plus discrets, n’ont pas eu peur de se présenter lorsqu’innocemment j’ai été vers eux pour les rencontrer. Je me suis permis de leur préciser :’Non, vous êtes des gardiens de la Paix, en France cet emploi a disparu mais je crois savoir que cette expression existe encore chez vous, s’il vous plaît, gardez la, préservez la et en nous accompagnant, nous , caravaniers de la Paix, ce terme vous convient parfaitement’.
Toujours la faveur de la rencontre pour dire ce qui nous motive et nous anime.
Claude
Après un somptueux ‘pique-nique’, un des meilleurs repas depuis notre arrivée, certains font la sieste, d’autres digèrent en dansant au rythme des percussions et flûtes des musiciens du village qui nous accompagnent.
Puis retour à Toujane avec une superbe vue sur la plaine donnant sur le Golfe de Gabès ; nous sommes ici à une quarantaine de kilomètres de la Méditerranée.
Le concert est prévu à 16 heures sur la petite place où le piano est installé, devant les chambres d’hôtes de Touati et Habib. Un cadre idéal calme et harmonieux, idéal pour se ressourcer quelques jours en découvrant les traditions berbères.
Touati a convié les 120 familles du village, mais la place est quasiment vide. Il était prévu de jouer pour les femmes, faire venir la musique à elles qui ne sortent jamais. Nous comprendrons qu’elles ne sortent jamais… du village… et de leurs maisons… sauf pour de rares occasions, mariage ou fête du village. Elles ne se retrouvent même pas entre femmes. Chacune reste chez elle, à tisser les kilims et à s’occuper de l’intendance de la maison. Les hommes, quant à eux, vendent les tapis traditionnels créés par leurs femmes, ainsi que de l’huile d’olive, du miel de romarin, du lagmi, ce nectar sucré tiré de la sève du palmier-dattier.
En demandant aux femmes de sortir, la gène se fait sentir. Elles n’en ont tellement pas l’habitude ; et comment cela serait perçu par le reste du village si seules une ou deux femmes nous rejoignent ? Pour nous cela semble si emprisonnant…
En passant dans une petite rue adjacente à la place du concert, je suis attirée par la cour d’une maison dont la porte est ouverte et où un petit groupe de femmes qui prend le thé me fait signe. Un verre m’est offert avec quelques succulentes figues fraîches. Elles parlent peu le français et je leur explique qu’un concert de piano a lieu en ce moment, pour les habitants du village. Elles se laissent finalement convaincre de me suivre, à condition de changer de vêtements ‘’fissa fissa’’. Les rires sont nombreux autour de cette étrangère venue à leur rencontre qui parle seulement quelques mots d’arabe et les entraine vers le piano. La place ne s’est pas plus remplie. Les habitants ne venant pas à nous, décision est prise d’aller vers eux par une petite déambulation sur la route principale qui traverse le village. Peu de présence à l’extérieur mais tous sont informés de notre venue et ceux que nous rencontrons sont touchés de cette présence amoureuse.
Vers 18 heures, nous reprenons la route vers Tamezret, petit village troglodyte bâti comme un château-fort, avec ses souterrains. Monji nous y attend pour une visite de la petite maison-musée qu’il a réhabilité afin de préserver et faire découvrir les traditions berbères. Les informations que nous recevons sont passionnantes et nous font prendre conscience de l’ouverture de cette culture et de son avancée sur des sujets tels que la religion, l’égalité homme/femme.
Nous repartons tardivement dîner et passer la nuit dans un hôtel troglodyte des environs de Matmata.
Laële