Après notre deuxième nuit chez les Hamers, le soleil est là dès le réveil. Caravaniers et villageois se saluent. Des liens et des complicités se sont créés.
Un villageois est malade : il brûle de fièvre et semble terriblement souffrir. Nous l’emmenons au dispensaire de Turmi avec un de nos véhicules.
Aujourd’hui lundi, c’est le jour du marché à Turmi. Un petit groupe de caravaniers a décidé de rejoindre le marché à pied pour se rendre compte du chemin que parcourent régulièrement les femmes du village. Il croise des femmes chargées de marchandises à vendre. Le reste des caravaniers part en bus et propose aux femmes du village de profiter du transport.
Sur la place du marché, les femmes arrivent peu à peu pour vendre qui des céréales, qui de l’artisanat. Un groupe de jeunes filles danse et chante avant de disparaitre dans la cour d’une maison. Le piano déambule depuis quelques minutes quand la pluie s’invite. A peine le temps de faire le tour du marché. C’est la déception pour tous car la pluie ne cessera pas ce matin.
Ce n’est partie remise !
L’après-midi, les caravaniers sont invités à participer à la fête de l’Oukali, rituel du passage des garçons à l’âge adulte. Après avoir sauté 7 fois par-dessus 6 vaches, le garçon de ce jour est reconnu comme adulte. Pendant les préludes de ce rituel important pour les Hamers, les femmes sont avec leur accord, volontairement fouettées, elles en garderont les stigmates dans le dos. Cette tradition avec notre regard d’occidental ne nous laisse pas indifférent. Certains caravaniers s’interrogent sur l’existence d’un tel rituel, et le fait d’y être présents. Paradoxalement nous sommes tous conscients que c’est un cadeau de leur part d’accepter notre présence.
Au retour, la caravane s’arrête de nouveau au marché. Le piano installé sur le pick-up attire les jeunes et Marc invite tous ceux qui ont envie de jouer. Les jeunes se précipitent pour s’assoir à côté de lui. L’ambiance est agitée, il y a beaucoup de monde encore en cette fin d’après-midi. Un européen, qui se dit attaché à la culture éthiopienne, s’offusque de la présence du piano qui selon lui s’ingère dans cette culture. Un temps d’échange permet d’expliquer l’enjeu de la caravane. Un groupe d’Ethiopiens manifeste un désaccord sur la présence des appareils photos. Là aussi nous expliquons quelle est la finalité et le sens de la Caravane amoureuse.
Pour le retour au village, les caravaniers invitent des femmes de Lugera à monter dans le car, nous embarquons aussi leurs provisions pour leur épargner un retour au village lourdement chargées. Elles sont fières de partager notre véhicule. Nous rions nous chantons tous ensemble. C’est un moment très joyeux.
En arrivant au campement, Marc et le chef Gélé se saluent. Marc porte un collier de perles colorées acheté à Turmi. Gélé s’en empare et le met autour de son cou en riant. Marc s’amuse de ce geste et se saisit du collier du chef : on échange ? Gélé acquiesce. Après quelques instants Gélés s’inquiète, gêné, son collier a beaucoup plus de valeur… Marc le taquine, fait celui qui ne comprend pas. Abédjié s’esclaffe avec son rire incroyable. Marc verse une compensation en birr et peut ainsi garder le collier !
La journée s’achève après le repas du soir par des chansons sous un ciel étoilé à la lumière d’une bougie. Et là aussi c’est un bon moment de rencontre entre caravaniers pour la dernière nuit sous la tente chez les Hamers.
Alain grand amateur de chocolat, rentre dans une boutique pour acheter du chocolat et le vendeur lui propose un paquet de gâteaux au chocolat. Voulant acheter tout le stock, le vendeur finit par lui vendre le seul autre paquet disponible qui était à sa fille !
« Moga… 4 lettres pour désigner ce jeune Hamer de 13-14 ans qui a pris soin de nous lorsque nous campions à proximité de leur village. Je dirais M comme Malicieux, O comme Ouvert, G comme Grandissime, A comme Attentif. Moga a particulièrement cherché notre contact… Nous avons beaucoup ri ensemble, en particulier sur le « lamb » (qui signifie « vache ») d’une chanson que nous répétions ensemble, enfin, surtout Soizic. Quand arrivait ce « lamb », ses yeux taquins cherchaient le regard de Soizic pour vérifier qu’elle suivait bien… Et comme, oui, elle suivait, son sourire s’agrandissait à chaque refrain. En très peu de temps nous nous sommes attachés l’un à l’autre. Le jour de notre départ Moga était particulièrement triste. Peu de mots, tout dans le regard... Moga est de ceux qui regardent l’horizon, pensif, les deux pieds dans la terre. Un futur grand Homme, j’en suis sûre. »
Janik
« Un matin, au campement chez les Hamer, je me mets de la crème solaire tandis qu’un enfant m’observe. Je lui propose d’en prendre, il tend la main et s’en frotte les mains.
Le lendemain, j’ai deux spectateurs tandis que je me protège le visage et le crâne. Je dépose à chacun un peu de crème au creux de leur main et aussitôt, ils se la passent fièrement sur les cheveux, imitant mes gestes. »
Didier
« Il est 14h, nous partons à pied rejoindre le lieu où se déroule le rituel de passage à l’âge adulte pour un jeune Hamer. Shelo un garçon de 10 ans nous accompagne. Il va à l’école à Turmi, parle bien l’anglais et tout au long du chemin joue le rôle de traducteur entre un autre jeune très désemparé et moi. Il nous décrit l’enseignement qu’il reçoit. Il est le seul de la fratrie à être scolarisé et ne retourne dans sa famille qu’aux vacances. Il veut apprendre également auprès des étrangers. Il m’emprunte mon appareil photo et s’en sert avec aisance. Lorsque j’aborde un ancien du village il m’apprend à dire merci et bonjour. Très prévenant tout au long du chemin de retour, il me dit qu’il est important pour lui de nous écouter car nous sommes des « grandes personnes ». Si d’autres membres de sa tribu ne souhaitent pas communiquer, lui veut échanger pour apprendre de nous. Je lui dis toute la richesse de son ouverture et combien il est grand dans son cœur. Je lui raconte la Caravane amoureuse, lui écris sur une feuille le mot en français en anglais et Abédjié le traduit en amharique. Il pourra consulter le site de la Caravane sur internet chez un ami, car à l’école ils ont la connexion mais pas l’ordinateur. Arrivés vers notre bus, les 2 garçons découvrent l’accordéon et nous partageons un moment superbe, les doigts courent sur les touches. Quelle magnifique rencontre avec cet ambassadeur de paix en devenir. »
Chantal
Ce passage extrait de « La clé d’être », dernier livre de Marc Vella m’a touchée. L’Ethiopie c’est un peu mon bout du monde ; nous sommes dans un beau paysage et l’amour est partout quand il est en nous :
Sylvie