Ce matin nous partons pour le lac de Wenchi formé dans un ancien cratère. 30 km de piste dont les derniers particulièrement chaotiques. 2h de route. Le passage de camions ou de 4X4 soulève une poussière suffocante. Les paysages sont époustouflants. Des camaïeux de vert s’étalent sur toute la longueur des collines cultivées en céréales. Des hommes et des femmes le long de la piste nous regardent passer et nous sourient. Les hommes à cheval nous saluent.
C’est dans cette seule région que pousse un arbre médecine qui soigne les problèmes intestinaux. Son bois est utilisé pour fabriquer des meubles. Ses grappes bordeaux élargissent le spectre des couleurs.
Arrivés au sommet à 3100m, nous descendons le piano. Pendant que la plupart d’entre nous descendent à pied les 4 km jusqu’au lac, Marc offre une de ses plus belles compositions aux personnes présentes : caravaniers et villageois. Marie-Claire, Alain jouent du piano pour la première fois avec Robert et Marie-Claire en est émue. Marc jouera avec le centenaire du village. Antoine prend le relais puis un de nos guides du village se met lui aussi au piano.
En descendant au lac nous croisons de nombreuses personnes qui reviennent d’une cérémonie au monastère situé sur une île au milieu du lac.. Dix moines orthodoxes y vivent. Le village autour du lac compte 400 foyers, 4000 habitants et aussi 400 chevaux nous dit le guide. Un cheval par foyer ! Ils sont utilisés comme moyen de locomotion au quotidien et représentent aussi une attraction pour le tourisme. Les dessous de la selle sont joliment brodés. Et quand des caravaniers manifestent le souhait de remonter à cheval (au pas), il en arrive de partout.
Pendant ce temps, les cuisiniers achètent sur place les poulets qui nous seront servis au déjeuner. Aussitôt, ils sont tués, plumés et mis à cuire tandis que Robert récupère tripes et carcasse pour les offrir aux rapaces qui volent au dessus de nos têtes.
Riz, salade, banane, papaye… viendront compléter le pique-nique.
Notre présence aiguise la curiosité des villageois et comme souvent, un attroupement se forme autour de nous. Voir manger des touristes dans un plat individuel avec ses deux mains, une fourchette et un couteau doit sembler bien étrange à un éthiopien qui a toujours pris son repas en famille dans un grand plat commun avec sa main droite !!!
Marc se remet au piano. Dans ce paysage grandiose, l’effet est saisissant.
« Ecouter Marc jouer du piano en Ethiopie, à 3000m d’altitude, dans un panorama splendide, un vol de milans au dessus de nos têtes, au milieu de belles personnes, ça ressemble au bonheur ! » s’exclame Alain.
Nous quittons, nos sens rassasiés, ce lieu paisible où les villageois nous saluent spontanément sur le chemin comme si nous étions des résidents.
Arrivée à Addis, une surprise nous attend. Pour notre dernière soirée, Abéjié a prévu un repas dans un restaurant chic avec chansons et danses traditionnelles. La musique est entraînante : Abédjé, Habtamou et les caravaniers entrent dans la danse. Marie-Claude et Pascale invitées sur scène swinguent avec les danseurs et danseuses. Elles tiennent le rythme. Chapeau !
Le piano se joint aux musiciens. Marc joue, la salle est attentive et très impressionnée. Puis piano et instruments traditionnels se joignent dans un rythme mélodieux…
C’est un moment de communion musicale. Une femme venant du Kazakstan vient féliciter Marc pour sa prestation et l’invite à venir jouer à l’ambassade !
« Aux portes d’un ancien volcan à 3100 m d’altitude, je me trouve en terre africaine, sur les hauts plateaux éthiopiens. Allongé dans l’herbe, bien ancré dans la terre, je perçois le pas des chevaux et le rire des enfants, et chose incroyable un pianiste joue en direct. Mon regard se pose sur les visages qui offrent à mon imagination une foule de possibilités. Instant hors du commun également, le tournoiement de nombreux milans qui me donnent en cadeau un ballet aérien unique ! Parfois il arrive dans la vie que l’union de paramètres plus magiques les uns que les autres nous montre des avant-goûts de paradis. Et là enfin on ne peut que s’abandonner au moment présent.
La seule pensée qui nous traverse l’esprit à cet instant est un immense merci envers Dieu pour autant de grâce. Merci… »
Alain
« Dans la caravane, je prends soin du piano avec Bassam. Faute de temps et de moyens, nous n’avons pas trouvé la bonne structure pour le transporter et cela nous demande des ajustements constants. Mais il n’y a rien d’extraordinaire à cela comparé aux rencontres faites dans ce voyage.
J’ai particulièrement apprécié la rencontre chez les Hamers dans une grande maison ronde. Une maison très sobre, dépouillée, sans aucune marque de société de consommation. Nous avons, avec une dizaine d’autres caravaniers et l’aide de notre interprète Seguido, échangé d’abord sur leur vie quotidienne puis sur leur vision du monde et l’avenir. J’ai été impressionné par le fait que ce village ne s’est pas laissé entraîner par la civilisation moderne et n’a aucun désir de changement. (Seul changement souhaité par notre guide Séguido, la disparition de la coutume rituelle de la flagellation des femmes). Seguido qui est étudiant, a décidé de mettre ses connaissances au service de sa communauté d’appartenance. C’est le mot paix qui est revenu dans leur propos pour parler de leur vision du monde.
J’ai découvert un pays magnifique et diversifié. Aujourd’hui sur la route du lac Wenchi, les paysages étaient magnifiques et la descente au cœur du cratère pour y accéder était idyllique. J’aime la nature et j’ai ressenti ce lieu comme un vrai coin de paradis.
Pendant cette caravane, j’ai eu plaisir à rencontrer toutes ces personnes que j’ai trouvées « cool » et qui regardent les autres avec le sourire.
J’ai vraiment apprécié ces moments simples de relation et de communication avec les éthiopiens et avec la nature. »
Roger
« Un belvédère d’herbe rase, le piano déposé comme une offrande au ciel et à la terre dans ce lieu de paix inspirée. Le regard s’ouvre sur un cercle de montagnes, au creux, un lac aux reflets verts et sombres.
Dans ce lieu magnifique, des jeunes filles m’accueillent avec sourires et paroles, rassemblées autour du piano ouvert. Un ancien du village est assis au clavier, attentif à la mélodie qui s’élève alors.
Contournant l’instrument, je m’approche, les doigts de Marc courent sur les touches, volupté et tendresse émergent.
Les vibrations s’unissent telle une onde qui me pénètre et m’enchante. L’émotion est immense, les larmes s’éveillent et s’écoulent, témoins de ce bouleversement intense, empli de grâce et de merveilleux.
Je m’éloigne doucement, m’assieds et me recueille quelques instants les yeux fermés. Les jeunes filles m’entourent alors de leur présence, leurs regards émus par mes larmes »
Chantal accordéon
« J’ai plein de bonheur à trouver du talent en chaque caravanier. Le chemin de certains m’entraine vers des pistes à explorer pour moi. Fraternité est le mot que je retiendrai de ce voyage ».
Brigitte
« C’est une grande chance de voyager ainsi dans un pays encore presque totalement à l’écart de la société de consommation. Les éthiopiens sont pauvres mais ils ne sont pas malheureux. Il émane d’eux une bienveillance et une dignité évidentes. Ils vivent en harmonie avec leur environnement : leurs maisons rondes, leurs outils et leurs ustensiles (terre, bois, paille…), quelques bêtes qu’ils mènent au pâturage. L’eau potable semble être la contrainte la plus importante. J’ai été profondément touchée par les moments nocturnes où les gens se rassemblent dans le noir tranquillement pour discuter ou chanter sans besoin d’aucun artifice ni lumière. 85% de la population étant des agriculteurs, les scènes que nous avons vues sont des moments de l’histoire en sursis. Dommage de ne pas accorder à ces beaux instants et à ces belles personnes plus de temps. Cela ne serait-il pas le plus beau des cadeaux ? »
Corinne