Une première partie de la Caravane s’envole pour KATMANDOU en début de matinée pendant que la deuxième a quartier libre pour la journée. Chacun choisit les options dont-il a envie, ou besoin de vivre, pour ce dernier jour au TIBET.
Un groupe se dirige vers le parc situé derrière le Potala, lieu de rencontre privilégié pour les tibétains. Ces derniers se retrouvent sous des chapiteaux pour danser, faire du Thaï Chi et du Qi Gong, en cercle, sous la direction d’un professeur, tout cela rythmé par de la musique. Nous nous joignons à eux pour tenter d’adopter leur rythme et partager ce moment ; des tibétaines nous prennent par le bras pour nous montrer les pas et nous inciter à nous joindre au groupe principal.
Vidéo - les Caravaniers apprennent une danse tibétaine
De jeunes étudiants viennent vers nous pour le plaisir de quelques échanges en anglais : « Where do you come from ? What’s your name ?... ».
Le festival de Shoton donne lieu à des représentations de théâtre dansé traditionnel.
Après le repas, dans un élan de communion, nous nous retrouvons sur la terrasse de l’hôtel et répétons les chants créés par Fabienne pour la Caravane Amoureuse. Hubert installe la caméra pour filmer cet instant avec le Potala en arrière plan.
Pendant ce temps, une poignée de caravaniers prend la décision de suivre l’équipe de Cap Production pour tenter de vivre des rencontres au sein d’un orphelinat. En voici le récit de Solène :
« Arrivés sur place, nous découvrons que l’orphelinat n’existe plus. Quelques minutes plus tard, une femme gracieuse s’avance vers nous et prend Jeuan, la cameraman, dans ses bras, comme si elles se connaissaient depuis toujours. Nous sommes perplexes.
Il s’agit de l’ancienne directrice de l’orphelinat. Elle nous expliquera après, qu’elle a ressenti l’intuition très forte de venir en ce lieu où elle nous trouva, alors qu’elle n’y venait à présent que très rarement. S’ensuit un échange chez elle, à quelques pas de cet endroit, d’une très grande émotion et intensité. Par souci de sécurité pour cette personne et sa famille, aucune photo ou enregistrement n’ont été effectués. Mais les mots de cette noble femme résonneront certainement encore longtemps à nos oreilles. Nous avons eu la chance de pouvoir lui poser des questions précieuses sur la situation politique et culturelle du pays. Ses réponses nous ont, à plusieurs reprises, arrachés à tous des larmes, surtout lorsque nous lui demanderons : « Que pensez-vous de l’avenir du TIBET ?», et qu’elle nous répondit « Il n’y aucun avenir pour le TIBET et les tibétains »…
Elle nous explique qu’en 2013 tous les orphelinats de la région sont passés sous contrôle chinois. Elle perdit donc son poste à cette période, mais elle décida de continuer à se battre pour ces enfants abandonnés. Elle acheta les locaux de l’ancien orphelinat afin d’en louer une partie à une école de cuisine privée et de pouvoir accueillir dans l’autre des enfants, de manière très discrète, voire cachée. Elle nous confia qu’elle risquait la prison pour cela. Cette rencontre exceptionnelle fut magique et poignante, mais impossible à retranscrire par écrit dans son intégralité. Elle a été un cadeau inespéré pour notre dernier jour au TIBET , et elle nous laissa songeurs pendant encore un long instant après notre départ. Pour ma part, je n’oublierai jamais ses mots : « En langue tibétaine, la liberté, c’est exister. »
En fin d’après-midi, une partie de la Caravane choisit de rejoindre un endroit privilégié qui surplombe LHASSA avec une très belle vue sur le Potala. Il s’agit d’une boutique de livres et d’art, avec un beau piano à queue décoré à la tibétaine, à proximité du lieu où la veille un groupe était allé voir l’opéra sur la princesse Wencheng.
Nous nous installons pour chanter sur les marches, sous un soleil de plomb, en attendant la rencontre avec des artistes chinois*, et un échange musical. Dès leur arrivée, nous allons nous asseoir en cercle au deuxième étage de la librairie (qui est aussi une galerie de peinture).
Nous écoutons avec délices le chant de Fire, ce voyageur-écrivain-réalisateur que Marc avait rencontré quelques jours auparavant, recontacté par l’équipe de production pour le concert. Il s’accompagne avec la guitare de Pierre Côme. Nous proposons alors les chants que nous venons de répéter et Samuel accentue le lien en permettant à chacun de créer une mélodie avec lui sur son hang. Un bel instant de cohésion et de communion.
Nous profitons du décor, avant de quitter ce lieu, pour faire une photo d'une partie du groupe mélé aux lettres de TIBET.
Notre dernière journée au TIBET s’achève en petits groupes. Notre séjour dans ce pays fut pour la plupart d’entre nous confrontant et perturbant. Toutefois, sans possibilité de piano et sans déambulation collective nous gardons tous, en mémoire, de belles images d’échanges et de partages.
Demain nous retrouverons le NEPAL pour la dernière partie de notre aventure…
*Ces mêmes artistes avec qui nous aurions dû partager dans ce même endroit un concert le soir d’avant, grâce à l’équipe de production. A notre plus grand regret, nous avons eu l’obligation d’annuler cette opportunité afin de rester conforme aux autorisations reçues du gouvernement chinois.
A la suite de quoi l’idée a été lancée d’organiser un tournage de piano silencieux afin de mettre en avant le silence dans la musique, avec le Potala en arrière plan. Mais pour éviter tout risque, cette initiative fut également écartée.
Nous embarquons dans l’avion pour KATMANDOU. Après une heure et demie de vol, le pilote annonce que les conditions météorologiques ne nous permettent pas d’atterrir et nous retournons donc à LHASSA. Nous sommes alors tenus de rester à bord durant l’immobilisation au sol. Un groupe d’environ soixante-dix indiens est présent, leur guide entonne plusieurs chants, rythmés avec les mains. C’est alors que l’accordéon et la flûte s’invitent, quelques airs sont joués à la grande joie des voyageurs qui ovationnent et remercient. Joyeux partage !!!! Et l’avion reprend son vol …
Témoignage d'Amélie, Chantal et Marie-Claude
Un des aspects du Tibet qui m'a émerveillée, ce sont les Tibétains, leur ouverture à nous, leur gentillesse et leur humour.
Ayant beaucoup aimé les tabliers multicolores des femmes, j'ai choisi le rectangle de laine tissé qui en est la base dans un petit magasin près du temple du Jokhang. La femme qui le vendait m'a alors fait sélectionner une ceinture de couleur et, devant moi, l'a coupée en deux, a cousu les moitiés de part et d'autre du tissu puis me l'a nouée autour de la taille. Quand je portais ce tablier, de nombreux Tibétains que je croisais, hommes et femmes, rigolaient puis me faisaient un signe pouce levé, visiblement ravis que je partage cela avec eux.
A plusieurs reprises, des Tibétains, femmes ou enfants, m'ont pris la main et ont marché avec moi. Une fois en plein Lhassa, dans le quartier Tibétain près du Jokhang, une femme a pris la main de Chantal et les filles qui l'accompagnaient ont pris les miennes et nous avons marché de concert, nos regards pétillant de cette rencontre, jusqu'à ce que nos chemins se séparent. C'était joyeux et doux. Une autre fois, dans la cohue pour monter voir la thangka de Shoton au Drepung, une vieille femme m'a pris la main et l'a gardée dans la sienne avec des échanges de regards pleins de connivence jusqu'à ce qu'elle soit poussée plus avant par la foule ; nous nous sommes fait un petit signe d'adieu et nous sommes perdues de vue.
Lors de la fête de village dans laquelle nous sommes rentrés, Marie-Claude et moi avons été accueillies dans une tente, on nous a installé dans le cercle et offert naturellement des biscuits et du thé tibétain. Puis, comme j'avais les mains froides, une vieille femmes m'a montré que je n'avais qu'une épaisseur sur moi alors qu'elle en avait 4 : un pantalon molletonné, une jupe et une robe de drap de laine, et son tablier. Elle a tenu ma main dans les siennes pour la réchauffer. Les femmes ont beaucoup ri quand Marie-Claude a montré qu'elle avait aussi quelques épaisseurs jusqu'à à arriver à son ventre. Cette partie du corps est peut-être un peu tabou car quand nous avons chanté "Jean Petit qui danse" et désigné le ventre dans la succession des parties du corps, cela a toujours fait rigoler les Tibétains ;-)
J'ai pensé à plusieurs reprises aux mots du Dalaï Lama qui disait quelque chose comme "Si vous n'allez pas au Tibet, qui ira ?"
De nombreux tibétains semblaient heureux que nous soyons venus jusqu'à eux, que des gens viennent au tibet.
Hier soir, Jieun, vers 19h, nous annonce une superbe nouvelle. Grace à un ami chinois, FireFire, elle a trouvé un piano Yamaha, superbement décoré, dans une librairie tibétaine. Une baie vitrée donne sur le Potala. Le rêve d'entendre Marc jouer avec en fond, le Potala redevient réalité.
Dans les 5 minutes, notre guide tibétaine, Yang Drum, met toute son énergie farouche pour faire avorter ce projet. Son argumentation : "Si vous jouez du piano dehors, je perds mon travail".
Le soir même, je vais découvrir le superbe lieu avec le Potala illuminé en arrière plan. C'est magnifique.
Au petit matin, me revient la phrase de Marc, avec l'importance du silence entre les notes.
Une idée germe : "Et si on faisait un concert de silence, avec le piano muet et un tabouret vide ? »
Le matin j'en parle à Marc, à Michel…L'enthousiasme revient et se diffuse auprès des caravaniers.
Puis un doute s'installe chez certains :
"Un tabouret vide et un piano silencieux est-il un acte subversif ?"
D'un côté, une première puissance mondiale, forte de plus d'un milliard d'habitants.
De l'autre, un simple piano, muet, qui déstabilise.
Qui croire ? Que penser ? Que dire ? …..