Journal de Bord 2018

Une journée 100% Caravane

PASHUPATINATH

 En ce vendredi 17 août, nous partons de bon matin pour PASHUPATINATH (temple dédié à Shiva, et de référence pour tous les hindous) après avoir chargé le piano sur le camion. Nous arrivons directement sur la rive faisant face aux lieux de crémation. Le piano y est installé, porté par les caravaniers avec l’aide des locaux.

Puis Marc commence par des morceaux utilisant les variacordes, tout en délicatesse par respect pour cet endroit sacré. Un attroupement se crée rapidement. Quelques Sadhus* observent avec intérêt et concentration Marc et son piano. Ce dernier leur propose un quatre mains qu’ils finissent par accepter, surpris et quelque peu sceptiques. L’alchimie s’opère et de larges sourires se dessinent. Ce moment est totalement improbable.

Après ces émotions musicales, certains d’entres nous poursuivront leurs échanges avec les Sadhus  : Alexandre de Cap Production et Solène leur font découvrir l’ouvrage qu’il a co-écrit sur leur communauté*, leur partageant pour la première fois leurs propres photographies.

Un peu plus loin, Chantal leur joue quelques notes d’accordéon, Samuel  et  Pierre-Côme du spacedrum.

Pendant ce temps, d’autres caravaniers partent à la découverte du site   : surplombant ce lieu, nous pouvons apercevoir une multitude de temples, en reconstruction, car ceux-ci ont beaucoup souffert du tremblement de terre de 2015.

Un peu plus tard, nous verrons sur l’autre rive des familles éplorées suivant un corps recouvert de tentures colorées. De manière protocolaire, ils le déposent sur une dalle afin de le purifier avec de l’encens, puis de tremper les pieds dans le BAGMATI (rivière sacrée qui se jette dans le GANGE) avant de traverser le pont pour être déposé sur le bûcher de crémation. Cette scène nous ramène à nos souvenirs de VARANASI, il y a quelques semaines de cela.

Hospice - maison de retraite

En fin de matinée, nous avons prévu de rendre visite à des personnes âgées vivant dans une maison de retraite juste à côté. Ce lieu est complètement pris en charge par l’Etat du NEPAL. Le chemin pour les rejoindre étant en trop mauvais état, le piano ne peut pas nous suivre et doit retourner au camion.

Nous nous dirigeons alors vers ce lieu de fin de vie avec les autres instruments de musique. Ce que nous y vivons à l’intérieur est d’une très grande intensité. Chacun avec nos moyens, et nos émotions, nous passons une heure à interagir avec ces personnes touchantes et attachantes. Le lieu est paisible  : composé d’une grande cour intérieure, surplombée par un temple et entourée par leurs chambres, il se prête parfaitement aux partages. De jeunes étudiants népalais sont également présents ainsi que de futures infirmières en stage.

Malheureusement, notre journée étant chargée, c’est avec un dernier regard en arrière que nous devons déjà les quitter.

ASHRAM SRI AURIBINDO YOGA MANDIR

Après un rapide déjeuner à l’hôtel, nous nous remettons en route pour l’Ashram où nous resterons deux jours. C’est ainsi que nous arrivons vers 15h à « Sri Aurobindo Yoga Mandir », sur les hauteurs de KATMANDOU. Nous y sommes très chaleureusement accueillis par son fondateur : Ramchandra. Il nous fait part brièvement du programme de la fin de l’après-midi, et nous invite à déposer nos affaires dans nos chambres, modestes, mais propres. Déjà nous pouvons ressentir la sérénité et l’amour qui règnent ici. Le message sur les guides de présentation du lieu est prometteur  :

« Arrivez en touristes, repartez en amis ».

Puis, avec une bonne tasse de thé et des petits gâteaux, nous retrouvons Ram qui nous explique la création de l’Ashram. Cet homme à l’histoire extraordinaire a fondé ce lieu en 1993, pour sauver les enfants de leurs conditions de vie déplorables. Lors de son élaboration, il n’accueillait qu’un enfant dans une toute petite maison. Aujourd’hui, il en compte 150 et 50 adultes regroupés au sein d’une école, une maison d’accueil, un centre de yoga, une étable, un jardin biologique, un moulin, un centre culturel, une clinique ayurvédique, un atelier de couture, un atelier de tissage de pashminas et un petit magasin.

Pas à pas, à force d’une persévérance et d’une volonté immuables, Ram fait de cet endroit un lieu aux activités harmonieuses et autosuffisantes pour fournir aux enfants une éducation solide faite de savoirs, d’arts et de spiritualité. Une salle de méditation hexagonale et une nouvelle école sont également en construction. Les enseignements sont basés sur ceux de la Mère et de Sri Aurobindo autour d’une seule doctrine  : « All life is yoga » (« Toute la vie est yoga »).

Ramchandra nous fait une visite complète du site en répondant à nos nombreuses questions. Après quoi nous dégustons un dîner copieux élaboré avec leurs propres productions. Un délice  !

 Cette belle journée bien remplie se termine en échanges musicaux avec les enfants  : accompagnés à la guitare ils nous partagent leurs chants, puis ils reprennent avec enthousiasme et gaieté les chansons françaises que Samuel leur propose.

Avant de dormir, Marc leur fait découvrir le piano et le chant des baleines à l’aide de ses variacordes. Un réel instant de complicité entre la Caravane et cette grande famille  : nous faisons désormais partis des leurs  ! Vivement demain où une journée de découverte de la vie à l’Ashram nous attend…

Certains enfants s'endorment auprès des caravaniers.

*Le mot Sadhu vient de la racine sanscrite sadh qui signifie « s’exercer ».
Les Sadhus prennent racine dans le passé le plus lointain de l’hindouisme, ils suivent le chemin de l’immortalité, celui du renoncement. Ils sont donc  sur le chemin de la libération pour vivre ainsi leur dernière incarnation

« Ils sont détachés des biens du monde. Ils sont l’expression visible de la seule réalité, de la quête essentielle vis-à-vis de laquelle toutes nos aspirations ne sont qu’une succession de rêves. » 

*   Les sadhus : Une société d'hommes libres   de Erik Sablé  et  Alexandre Sattler   

TEMOIGNAGES

Témoignage de Catherine

 «  Allons-y ! Toutes ces personnes âgées m’effraient (un autre moi que je n’ai pas envie d’imaginer déjà) et m’attirent en même temps. J’aime quelques larges sourires édentés fendus jusqu’aux oreilles. Cela me surprendra, m’épatera toujours, de remarquer tant de joie et d’acceptation après une vie harassante de labeur et d’oubli de soi. Les voir ainsi assises sur diverses hauteurs de marches en pierre, est une image surprenante, voire mythique.

Auprès d’une très vieille femme courbée, se tiennent deux étudiantes en stage pour leur école. Leur implication me fait chaud au coeur. La vieille femme éclate bruyamment de rire en me voyant harnachée d’un drôle de nez rouge. Elle me montre le sien et répète des mimiques. Elle souhaite que je continue un début de massage sur son dos osseux et fragile. Les jeune filles traduisent le népalais en anglais. Je retrouve avec plaisir ma lointaine formation en massage. Les personnes âgées ont tant besoin de toucher délicat, respectueux et chaleureux sur un corps qui n’est plus attirant pour les autres. Cette dame me rappelle à ce plaisir de dépasser les formes, pour un contact qui va bien au-delà, en toute humanité ...

 Ailleurs, une autre femme malade, la peau desquamée, la pulpe de ses doigts sur les miens, plongera son regard profondément dans mes yeux. Drôle de sensation, ça peut être dérangeant ou immense de beauté et de subtilité ! C’est allé très loin, très profondément … je ne saurais dire jusqu’où ! Je ne sors pas indemne de ces rencontres avec les très anciens qui vont partir bientôt. Le coeur s’élargit si je veux bien les approcher. »